Les événements de la chute de la monarchie bavaroise
Les événements de la chute de la monarchie bavaroise
Alors que les événements se précipitent à Berlin et qu'une révolution est en marche afin de mettre à bas, la monarchie des Hohenzollern, chaque Prince, Duc ou Grands-Duc s'empresse de rentrer dans ses états afin de sauver leur trône respectif.
Louis III de Bavière est rapidement à Munich.
Prémices de la fin de la monarchie
Depuis janvier 1918, des troubles éclatent fréquemment dans la capitale du Royaume. Excédé par les appels à la grève du parti Social-Démocrate Independant (USPD), celle du 27 janvier menace de dégénérer en combats de rue et Louis III ne peut suppoter que l'anarchie s'installe dans son royaume. Le leader de l'USPD Kurt Eisner (1867- 1919) est arrêté dans un moment d'une frénésie antisémite. Rédacteur au Frankfurter Zeitung(1890-1897), rédacteur à Vorwärts (1898-1906), au Fränkischen Tagespost (1907-1910), chroniqueur et journaliste indépendant (1910-1918), il est connu pour son opposition à la monarchie danubienne et son pacifisme ( qu'il proclame en 1917). Ce qui n'empêche pas ce journaliste de rendre responsable la Russie d'être le moteur déclencheur de cette guerre (juillet 1914).
Voici le portrait que dresse de lui l'écrivain Ernst Toller :«Eisner, qui fut pauvre toute sa vie et sans besoins, était un petit homme mince aux cheveux blonds cendrés lui tombant en désordre sur la nuque comme sa barbe broussailleuse sur la poitrine, ses yeux myopes regardaient comme étrangers par dessus le pince-nez mal fixé presque à l'extrémité du nez, et ses petites mains soignées, d'une finesse féminine, ne répondaient pas plus aux pressions amicales qu'hostiles, geste révélateur de sa timidité dans les relations humaines.»
Le 10 octobre 1918, la presse bavaroise se déchaîne contre le Kaiser, accusé de tous les maux de l'Empire. Le ministre-Président Otto Ritter von Dandl (1868-1942, a succédé au Comte Hertling) réclame même ouvertement l'abdication de Guillaume II. Le 2 novembre, le Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD), les libéraux du Zentrum (Parti catholique) et L’Union Paysanne concluent un accord qui prévoit de faire la Bavière « l’état le plus libre et démocratique du Reich ». Un accord est signé afin que la monarchie soit préservée et le ministre-président maintenu à son poste. Le lendemain, l'USPD rassemble 10000 personnes à Munich qui se dirigent vers la prison de la capitale. Eisner est libéré et porté en triomphe. Le Palais royal est alors contraint de fermer ses portes afin d'éviter sa prise par les manifestants. Louis III a encore en mémoire ce qui s'est passé à Saint-Petersbourg en 1917. On crie "Vive la république ! " et on chante .. l'hymne national français, "la Marseillaise".
Proclamation de la République
Le 7 novembre, c'est entre 15000 et 40000 personnes, drapeaux rouges en tête qui sont dans les rues de Munich, rassemblés dans le parc de Theresienwiese . La monarchie allemande vacille à Berlin et le SPD a décidé de rejoindre les révolutionnaires ainsi que l’Union Paysanne de Ludwig Gandorfer 1880-1918) qui s'emparent du dépôt d’armes. Kurt Eisner met en place un Conseil d'ouvriers, de soldats et de paysans. La révolution bavaroise a débordé en Alsace. Des manifestations d'ouvriers ont éclaté à Strasbourg le 9 novembre. Le lendemain, ce sont des conseils révolutionnaires qui se forment en Alsace et en Lorraine. Des agents francophones du SPD se sont infiltrés en France et avec l'arrivée des marins alsaciens et de Moselle de Kiel tentent d'organiser une révolution ouvrière. On y proclame même un République d'Alsace.
A Munich, le même jour des affiches placardées annoncent la création d’un état libre et d’un république sociale et démocratique avec ce texte : «Un gouvernement populaire, porté par la confiance des masses, va être mis en place incessamment. (...) Le conseil d'ouvriers, de soldats et de paysans assurera le strict maintien de l'ordre: toute infraction sera sanctionnée impitoyablement. La sécurité des personnes et des biens est garantie. Dans les casernes, les conseils de soldats assureront le maintien de la discipline et prendront leur sort en main. Les officiers qui ne s'opposeront pas au nouvel état des choses pourront vaquer à leur service librement. Nous comptons sur l'aide active de l'ensemble de la population. Bienvenue à tous ceux qui voudront contribuer à bâtir cette liberté nouvelle. Tous les fonctionnaires demeurent à leur poste. Des réformes sociales et politiques fondamentales vont être mises en œuvre sans délai. Les paysans garantissent l'approvisionnement des villes. La vieille opposition ville/campagne va disparaître. La distribution des vivres sera organisée rationnellement (...) Pour la Bavière, la guerre fratricide des socialistes a pris fin. Sur la base révolutionnaire actuelle les masses ouvrières vont retrouver le chemin de l'unité.»
Le soir après un entretien avec le ministre-président Dandl, Louis III quitte la capitale avec ses fils pour le château d’Anif au Tyrol où le lendemain le Roi signe la déclaration d'Anif (Anifer Erklärung) qui relâche les fonctionnaires et l'armée de leur prestation de serment. Il n'abdique pas cependant. Ce qui n'est pas de l'avis d'Eisner qui l'interprète comme tel et dans la brasserie Mathäser, il proclame rapidement la république libre de Bavière (Freistaat Bayern ou « libre de monarchie ») . A la fois Président et ministre des Affaires étrangères, Kurt Eisner met en place son gouvernement où son parti prend le ministère du culte, des Finances la Protection sociale laissant entre autre au SPD les ministère des Affaires sociales et de la Défense, l'Intérieur et le reste à l’Union (devenue la Ligue) Paysanne de Karl Gandorfer ( il a succédé à son frère décédé dans un accident de voiture).
Les raisons de ma chute de la monarchie s'expliquent également par son affaiblissement sous le règne de Louis II, du poids de la bureaucratie royale, la montée du syndicalisme en Bavière et le droit constitutionnel des partis politiques trop ignorés qui finissent par abandonner leur soutien traditionnel à la monarchie. La fin de la première guerre mondiale a entamé le moral des troupes royales qui se demandent à la veille de l'armistice si il y'a encore des raisons de se battre pour un régime qui s'effondre.
Eisner ne fait pas d'interdire les autres partis de l'opposition et les monarchistes continuent de rejeter violemment ce gouvernement illégitime. Du Côté des républicains, c'est l'extrême-gauche marxiste qui s'agite et réclame un république de type soviétique. Mais le 25 novembre, le SPD claque la porte du gouvernement. c'est la confusion. Eisner a tenté de fédérer les états du Sud (il déclare :«Nous sommes d'avis que d'étroites relations doivent être crées entre le gouvernement central et les différents États libres, et nous songeons à la réalisation pratique de cette idée. Nous avons depuis quelques jours un projet de la Prusse qui va être examiné à fond.») et refuse de reconnaître le gouvernement fédéral. On parle de sécession. Influencé par un conseiller du président américain Wilson, Eisner livre aux Alliés les preuves de l'implication du Reich dans le déclenchement de la guerre et de facto se retrouve minoritaire au gouvernement.
A Strasbourg, la révolution est aussi confuse qu'à Munich. Le 22 novembre , l'armée française a mis un terme à cette tentative de soviet dans sa région. Le 7 décembre (toujours), une mutinerie éclate à la base de Kiel conduite par l'anarchiste Rudolf Eglhofer force la démission du ministre de l'intérieur. Les plus radicaux de l'USPD se rallient aux militants du Parti communiste allemand (KPD) du député munichois Max Levien et fondent (tardivement) un mouvement spartakiste identique à celui de Berlin dirigé par Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg. Cette apparition sur la scène politique bavaroise des Spartakistes est due principalement à l'activisme des anarchistes tolérés par le gouvernement royal de Bavière et qui faisait figure d'opposition au SPD.
Eisner perd le soutien du Parti populaire bavarois (Bayerische Volkspartei -BVP) qui lui reproche de vouloir séparer l'église et l'état. Les monarchistes défilent dans les rues, les militaires et la bourgeoisie se défient du Président bavarois. l'état fédéral intervient et annonce la création d'une assemblée constituante malgré le refus d'Eisner de la reconnaître. Le 7 janvier 1919, il fait réprimer violemment une manifestation de 4000 communistes qui tentent de s'emparer du ministère des Affaires sociales et fait arrêter les leaders du KPD.
Les élections, 5 jours plus tard, voient la défaite cinglante de l'USPD avec seulement 2.5% des voix (3 sièges) face au SDP (33%) qui obtient 61 sièges et le mouvement conservateur BVP (35%) 66 sièges. Ce dernier parti largement mené par les monarchistes ont fait campagne contre la "révolution judéo-bolcheviste". Eisner refuse pourtant de démissionner. Il résiste politiquement jusqu'au 21 février 1919 où finalement il accepte de quitter le ministère des affaires étrangères pour lire sa démission au Parlement.
Il n'en aura pas le temps !
Alors qu'il traverse Promenadestraße (aujourd'hui Kardinal-Faulhaber-Straße), le comte Anton von Arco auf Valley (1897- 1945). un monarchiste notoire et lieutenant réserviste du Régiment royal d'infanterie de ligne de Bavière tire atteint à bout portant par deux coups de feu (l'un dans le dos, l'autre à la tête) sur Eisner qui s'écroule.
L'éphémère république rouge de Munich
Deux heures après l'assassinat d'Eisner, deux députés du BVP sont victimes d'un attentat anarchiste en plein parlement. La république des Conseils, partisans de la restauration de la monarchie et républicains se disputent la légitimité de la présidence. Elle échoit au SDP qui, minoritaire, doit gouverner avec une large coalition composée du BVP, de l'USPD et de la Confédération paysanne de Bavière .
Cette république qui se veut plus intellectuelle qu'ouvrière est rapidement en proie à l'anarchie (Segitz Martin (1853-1927) est Président du 25 février au 8 mars avant d'être remplacé par le SPD Johannes Hoffmann (1867-1930) ). Les Corps Francs, ces milices monarchistes , traquent les communistes et les anarchistes et les exécutent froidement (2500 morts). Pourtant dans la République de Weimar, également en proie au troubles politiques, la Bavière fait office de bastion de l'ordre. On songe alors au rétablissement de la monarchie en Bavière. Le gouvernement régional de Bavière gracie l'assassin d'Eisner au lendemain de sa condamnation à mort le 16 janvier 1920 et le libère 4 ans plus tard de la Forteresse de Landsberg-am-Lech. L'USPD disparaît finalement dans les élections des années 1920 et avec lui l'héritage de Kurt Eisner.
Du 3 avril au 6 mai 1919; les communistes et les anarchistes organisent un coup d'état et proclame la République des Soviets de Bavière que va diriger Eugène Leviné (1883-1919). L'armée fédérale allemande intervient avec l'aide des Corps francs du Wurtemberg commandés par l'officier d'extrême droite Franz von Epp et des milices monarchistes du BVP, la "Bavaria Wacht". En répression, les communistes font exécuter 4 monarchistes dont un membre de la famille royale, le Prince Gustave de Thurn and Taxis (né en 1888) le 30 avril. Le gouvernement fédéral donne l'assaut le 6 mai et fait tomber la république. 700 personnes sont arrêtés, le leader de cette révolution exécuté rapidement. Les combats auront coûté la vie à 606 personnes.
Espoir d'une restauration de la monarchie
Les républicains s'empressent par la suite de faire proclamer une constitution dite de Bamberg qui associe un état bavarois autonome au sein de la République de Weimar. Pourtant les réseaux monarchistes s'activent face à une nouvelle menace incarnée par le parti nazi d'Adolf Hitler (NSDAP). Lors des funérailles de Louis III, certains radicaux monarchistes pressent le Prince Ruprecht de s'emparer du pouvoir par la force au moment où les monarchistes sont rassemblés pour cette occasion. Le nouveau souverain de jure refuse de participer à une telle tentative le jour des funérailles de son père.
En 1932, une coalition de partis bavarois se réunit afin de contrer cette menace grandissante des nazis (après leur échec de putsch à la Brasserie de Bürgerbräukeller en 1923) à la veille des élections législatives. Un accord prévoyait la restauration de la monarchie avec à sa tête, le Prince Rupprecht de Bavière (pourparlers entre le Baron Erwein von Aretin et le Premier ministre bavarois Heinrich Held). Une alliance est même signée avec le parti monarchiste allemand (DNVP) pour favoriser au niveau fédéral la restauration de la monarchie impériale. Mais avec l'arrivée des nazis au pouvoir, les monarchistes bavarois vont déchanter et bientôt seront interdits de toutes actions politiques dans l'état.