« Henri V » : différence entre les versions
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Henri Charles Ferdinand Marie Dieudonné (1820- 1883), duc de Bordeaux, titré proprio motu comte de Chambord à partir de 1830. Tout est romanesque dans la vie de ce prince : les conditions de sa naissance (« l’enfant du miracle » selon Lamartine), l’épopée de sa mère, la duchesse de Berry, son refus enfin de la couronne proposée (Affaire | |||
Henri Charles Ferdinand Marie Dieudonné (1820-1883), duc de Bordeaux, titré ''proprio motu'' comte de Chambord à partir de 1830. Il fut prétendant au trône de France de 1844 à 1883. Avec lui s'éteint la lignée des Bourbons issue d'Henri IV. | |||
*[http://www.comtedechambord.fr/Site | |||
==L’enfant du miracle == | |||
[[Fichier:Charles Ferdinand d'artois.jpg|200px|thumb|left|Charles Ferdinand d'Artois]] | |||
Tout est romanesque dans la vie de ce prince : les conditions de sa naissance (« ''l’enfant du miracle'' » selon Lamartine, | |||
"''Il est né l'enfant du miracle'' ! | |||
''Héritier du sang d'un martyr'', | |||
''Il est né d'un tardif oracle'', | |||
''Il est né d'un dernier soupir'' !" | |||
venu au monde sept mois après l’assassinat de son père), l’épopée de sa mère, la duchesse de Berry, son refus enfin de la couronne proposée ([[Drapeau blanc|Affaire du drapeau blanc]], cf. le manifeste du 5 juillet 1871). | |||
Né le 29 Septembre 1820 au Palais des Tuileries (Paris) de Marie- Caroline de Bourbon- Siciles (1798-1870) et du Prince Charles Ferdinand d’Artois, le jeune Henri ne connut pas son père dont il était le deuxième enfant. | |||
[[Fichier:Naissance-duc-de-bordeaux.jpg|300px|thumb|right|Naissance du Duc de Bordeaux]] | |||
Fils cadet de [[Louis XVIII]] de Bourbon et Roy de France, Charles Ferdinand d’Artois, Duc de Berry (né en 1778), fut brutalement assassiné dans la nuit du 13 au 14 Février 1820 par l’ouvrier Louvel. Son épouse, Marie- Caroline de Bourbon- Siciles, alors enceinte devait accoucher à 2 heures du matin au Pavillon de Marsan, le 29 Septembre suivant, dans des conditions difficiles du fils de Charles Ferdinand, Henri Dieudonné, futur Comte de Chambord. Afin d’honorer la première ville qui s’était rallié à lui en 1814, Louis XVIII lui octroya le titre de Duc de Bordeaux. Lors de sa naissance, 20000 parisiens vinrent rendre hommage au nouveau-né. | |||
Sa naissance accrut la popularité du la dynastie dans un pays tourmenté par les divisions politiques, partagé entre partisans des Duc d’Orléans, des Républicains et ceux du Bonapartisme, nostalgique du Premier Empire. | |||
==[[La révolution de 1830]]== | |||
[[Fichier:Le duc de Bordeaux.jpg|200px|thumb|left|Henri,Duc de Bordeaux]] | |||
Henri Dieudonné grandit dans l’insouciance de son enfance loin des turpitudes de la politique française entre le Palais des Tuileries, Saint Cloud et Bagatelle. Pourtant tout autour de lui vacillaient les difficiles acquis de la restauration de 1814, la monarchie également. [[Charles X]] de Bourbon qui régnait alors sur la France depuis le, date de la mort de [[Louis XVIII]], était un Roi intransigeant, marqué par le traumatisme de la Révolution française qui avait amenée à l’échafaud son frère [[Louis XVI]]. Des mesures sévères votées et impopulaires, le conservatisme affiché du Roi et la dégradation des conditions sociales ternirent l’image de la monarchie. C’est dans une atmosphère de complots avérés qu’éclata la révolution de 1830 ou dite des Trois glorieuses. | |||
Trop jeune pour le comprendre, le prince est le jouet des événements de la politique française. Le 1er août 1830, Charles X confie la Lieutenance-général du pays au Duc d'Orléans. L'abdication de Charles X et de son fils, [[Louis XIX]], Duc d'Angoulême pousse l'enfant sur le trône de France. Mais 6 jours plus tard, la chambre des députés proclame le Duc d'Orléans, Roi des Français. | |||
== Un prince royal== | |||
[[Fichier:Duchesse de Berry.jpg|200px|thumb|right|Marie-Caroline, Duchesse de Berry]] | |||
La famille royale part en exil en Angleterre malgré les protestations de la Duchesse de Berry qui n’a de cesse de se montrer en tenue d’homme, pistolets autour de la taille. Le Duc d’Angoulême, dauphin du trône est aux côtés de son épouse Marie- Thérèse (1778-1851), la fille survivante de [[Louis XVI]] et [[Marie-Antoinette]]. Autant dire que le Duc de Bordeaux baigne dans l’atmosphère d’une époque révolue. Sa mère est débordante d’énergie et souhaite restaurer son beau- père [[Charles X]]. Entrée par mariage dans la famille royale en 1816, elle est Princesse de Naples. Lors des événements de Juillet 1830, la Duchesse de Berry annonce à [[Charles X]] qu’elle va se présenter à la Chambre avec son fils sous le bras pour le faire reconnaître comme Roi de France. [[Charles X]] aura toutes les peines du monde à lui faire renoncer à ce projet. Pis en exil, lorsqu’elle évoque qu’elle va rentrer en France et soulever la Vendée et la Bretagne contre le Roi des Français, le vieux souverain acceptera de cautionner cette aventure que du bout des lèvres. | |||
[[Fichier:Charles X Roi.jpg|200px|thumb|left|Charles X, Roy de France]] | |||
Elle confie alors l’éducation de son fils à la Duchesse de Gontaud avant que celui-ci passe sous l’autorité d’un gouverneur à l’âge de 6 ans (pas moins de 3 entre 1826 et 1830) et part soulever les deux régions de France, traditionnellement considérées comme monarchistes et de se faire proclamer régente. Elle arrive à Modène au Printemps 1832, seul duché italien à ne pas avoir reconnu [[Louis- Philipe Ier.]] Ce dernier a eu vent de l’arrivée de la Duchesse et la fait suivre par ses agents. Le 28 Avril, Marie-Caroline débarque à Marseille et tente de s’en emparer. Le complot échoue avant même de commencer. Loin de s’avouer battue, elle gagne la Vendée le 18 Mai et réunit autour d’elle pas moins de 20 000 combattants, y compris des carlistes espagnols. On est loin du soulèvement général attendu. Des escarmouches, attaques de châteaux, quelques combats qui poussent la Duchesse et les restes de son Armée Catholique et Royale à se réfugier à Nantes le 9 Juin. Ce n’est que le 6 Novembre 1832 que la Duchesse de Berry est découverte, cachée, derrière une cheminée d’une maison de Nantes. Prisonnière, on découvre la Duchesse de Berry enceinte du Comte Lucchesi-Palli à qui elle donnera naissance d’une fille en Mai 1833. | |||
En Juin 1833, elle est renvoyée à Palerme, [[Charles X]] ne souhaite plus la voir. La Duchesse de Berry va alors entrer en conflit avec [[Charles X]] au sujet de l’éducation du Duc de Bordeaux qui devient l’objet d’attention du mouvement légitimiste. Charles X ira jusqu'à demander au Chancelier Metternich de fermer les frontières de l'Empire autrichien à sa belle-fille pour éviter sa présence à la majorité du prince à Prague. Le roi exilé tient encore au règle protocolaire de son rang et la présence de centaines de légitimistes venus acclamer Henri V ne lui plaît guère autant que les forces de polices autrichiennes mobilisées en cas de débordement. Dans des mots choisis, le jeune prince affublé d'une redingote et d'une fraise style Henri IV déclare à la délégation venue le voir le 27 septembre : "Messieurs, je travaille de toutes mes forces à me rendre digne des devoirs importants que la naissance m'impose et que vous venez de me le rappeler(..)" | |||
[[Fichier:Le comte Henri de Chambord.jpg|200px|thumb|right|Le Comte Henri de Chambord]] | |||
Le mouvement légitimiste (incarné par le parti de la "Jeune France") n’a au final pas souffert autant que cela de l’échec de la Duchesse de Berry. Si de nombreuses délégations font le siège pour saluer le Duc de Bordeaux, aux élections de 1834, c'est également 29 députés qui font leur entrée au Parlement (contre 2 en 1831). On se dispute le leadership de la cause monarchiste divisée entre carlistes (partisans de [[Charles X]]) et Henriquinquinistes. Seuls les royalistes de l'Ouest refusent de participer aux élections. L’espoir d’une restauration s’éloigne. | |||
A la mort de Charles X, c’est son fils Louis d’Angoulême ([[Louis XIX]]) qui assure la continuité dynastique. Personne ne proteste pas plus que le Duc de Bordeaux, sous la coupe de sa tante et qui ne fait pas preuve de velléité d’indépendance. Le mouvement légitimiste prend d’ailleurs fait et cause pour celui qui sera désormais connu sous le nom de Comte de Marne. Henri Duc de Bordeaux continue son éducation à Göritz, celle qui sied à un Prince de son époque. Escrime, séance de tir au pistolet , équitation (un accident le 28 Juillet 1841 le rendra boiteux) et matières scolaires (il parlera l’allemand, l’italien et l’anglais couramment) sans oublier l'art militaire distillé par le Général Clouet, un ancien chef de la chouannerie de 1832... Henri V rencontrera régulièrement sa mère qui vit désormais en Italie où elle y meurt le 16 Avril 1870. | |||
[[Fichier:Comte de chambord 2.jpg|200px|thumb|left|Le Comte de Chambord]] | |||
Le comte de Chambord (titre définitif qu’il adopte en 1839) reste cependant sans activité politique officielle (entre 1840 et 1843, il voyage en Europe (il sera reçu par le Pape Grégoire XVI), suit les manœuvres militaires avec l’Autriche avec intérêt..), reçoit les légitimistes qui l'appellent déjà "le Roi Henri", s'entoure de Pères jésuites et doit attendre seulement à partir du 3 juin 1844, date de la mort de son oncle, [[Louis XIX]], pour enfin prendre possession de son héritage. Il publie à cette effet un premier manifeste : | |||
''«Devenu, par la mort du comte de Marnes, chef de la maison de Bourbon, je regarde comme un devoir de protester contre le changement qui a été introduit dans l'ordre légitime de succession à la couronne et de déclarer que je ne renoncerai jamais aux droits que, d'après les lois françaises, je tiens de ma naissance. Ces droits sont liés à de grands devoirs qu'avec la grâce de Dieu, je saurai remplir ; toutefois je ne veux les exercer que lorsque, dans ma conviction, la Providence m'appellera à être véritablement utile à la France. Jusqu'à cette époque, mon intention est de ne prendre dans l'exil où je suis forcé de vivre que le nom de comte de Chambord ; c'est celui que j'ai adopté en sortant de France. »'' | |||
Il s’installe avec la cour en exil à Frohsdorf (acheté pour lui en 1844 par le Duc de Blacas), en Autriche et épouse en la Princesse Marie- Thérèse de Habsbourg- Modène (1817-1886). La Princesse présentera par la suite une malformation utérine, due à l'avancée d'une travée osseuse de son bassin qui barrait de long en large l'entrée de son utérus. Il lui sera impossible d'enfanter ou d'avoir des rapports sexuels. Un problème qui ne sera pas sans conséquences quand on sait que le Comte de Chambord lui préférait sa soeur, Marie- Béatrice de Modène. | |||
Lorsque la révolution de 1848 éclate en France, le Comte de Chambord est surpris mais ne manifeste aucune joie à la chute de [[Louis- Philippe Ier]] bien qu'il jugera cela "''comme un juste châtimen''t". Il n’apprécie guère non plus les révolutions nationalistes qui éclatent en Hongrie et voit en ces événements la nécessité d’agir en faveur du redressement national. Ses partisans s’impatientent et l’accusent d’inaction (les élections d’Avril avaient envoyé à l’Assemblée 200 députés légitimistes puis celle du 13 Mai 1849, réunis sous les couleurs du Parti de l’ordre, 450 députés orléanistes et légitimistes). Pour autant, il ne rentrera pas à Paris et c’est un autre Prince, Louis- Napoléon Bonaparte qui profite du vide politique pour s’imposer sur la scène politique française, en se faisant d’abord élire Président d’une République éphémère puis Empereur le 2 Décembre 1851 (le Comte de Chambord jugea d’ailleurs cet événement comme étant éphémère). | |||
[[Fichier:Louis philippe ier.jpg|200px|thumb|right|Louis-Philippe Ier, Roi des Français]] | |||
Le 25 Octobre 1852, il affirme son rejet de l’Empire et appelle à la restauration de la monarchie : | |||
''« Le génie et la gloire de Napoléon n'ont pu suffire à fonder rien de stable ; son nom et son souvenir y suffiraient bien moins encore. On ne rétablit pas la sécurité en ébranlant le principe sur lequel repose le trône […]. La monarchie en France, c'est la maison royale de France indissolublement unie à la nation. [...] Je maintiens donc mon droit qui est le plus sûr garant des vôtres, et, prenant Dieu à témoin, je déclare à la France et au monde que, fidèle aux lois du royaume et aux traditions de mes aïeux, je conserverai religieusement jusqu'à mon dernier soupir le dépôt de la monarchie héréditaire dont la Providence m'a confié la garde, et qui est l'unique port de salut où, après tant d'orages, cette France, objet de tout mon amour, pourra retrouver enfin le repos et le bonheur.»'' | |||
Henri V candidat des légitimistes, [[Louis-Philippe 1er| Louis-Philippe Ier]] (puis à son décès le 26 août 1850 son petit-fils [[Philippe VII]], Comte de Paris) reste celui des orléanistes. Les monarchistes sont plus que divisés. Et cette division a fait le jeu des bonapartistes. Le Comte de Chambord a-t-il compris l’importance d’une réconciliation lorsqu’il ordonne que sa cour prenne le deuil du Roi Louis-Philippe Ier ? On en discute dans les deux familles. La Reine Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (Henri V prendra l'initiative de faire célébrer une messe à son décès) et son fils, le Duc de Nemours souhaitent cette réconciliation, le Prince de Joinville et le Duc Montpensier restent neutres à défaut du Duc d’Aumale fervent partisan de la monarchie tricolore. Enfin, comme la Duchesse de Berry avant elle, la Duchesse Hélène d’Orléans entend se battre pour que son fils, Philippe Comte de Paris soit mis sur le trône. Malgré des rencontres (comme celle d’avril 1856 entre Marie Amélie et Henri V) entre les deux branches, chacun reste sur ses positions et ce jusque dans la sémantique. Les Orléans parlent de réconciliation alors que chez les légitimistes on lui préfère le terme de fusion. | |||
Le Comte de Chambord s’organise, crée un conseil de 5 membres censé diriger le mouvement légitimiste jusqu’ici laissé aux seuls leaders parlementaires. Ce conseil ne brillera pas par ses actions. L’Italie de 1860 vit des soubresauts qui inquiètent le Comte de Chambord. Louise, Duchesse de Parme est emportée par les armées de Garibaldi et elle se battra pour préserver les droits de son fils Robert. Pis, l’invasion de Rome en 1859 a profondément choqué ce catholique. Des centaines de royalistes français se précipitent vainement au secours du Saint Siège. | |||
Et quand il ne s’occupe pas de politique, flirte avec les idées socialistes comme dans cette lettre du 20 avril 1865 où il appelle les ouvriers à s’associer « pour la défense de leurs intérêts communs» ou voyage comme en 1861 en terre sainte ou songe à se porter à la tête d'un corps franc qui viendra en aide au Pape Pie IX assiégé par les Chemises rouges de Garibaldi avant d'abandonner l'idée faute de troupes. | |||
[[Fichier:Affiche légitimiste.jpg|200px|thumb|left|Affiche légitimiste]] | |||
A la chute du Second Empire en septembre 1870, le Comte de Chambord écrit au Roi de Prusse Guillaume Ier de Hohenzollern et lui signifie qu’il est prêt ''« (..) à remplir la mission qu’un devoir sacré lui impose »''. En une lettre, le Comte de Chambord se propose de remonter sur le trône afin de garantir l’unité du pays qui sombre dans la guerre civile et voit l’avènement de la IIIième République. Le futur Empereur d’Allemagne ne répondra pas quand au Chancelier Bismarck, il se fendra de cette simple remarque cynique :"''cet homme là n'est pas dangereux, il ne régnera jamais car il n'est pas capable de franchir la Marne, un sabre entre les dents''" . Tout n’est pas perdu pour autant. Si la République a été effectivement proclamée, le Parlement est à majorité royaliste (396 députés (214 orléanistes et 182 légitimistes) face à 240 Républicains. Mais nul ne songe à proclamer la monarchie. D’ailleurs le pacte de Bordeaux signé par les partis politiques en présence le 10 mars précise que le régime politique sera défini dès la réorganisation du pays effectuée. | |||
[[Fichier:Drapeau légitimiste.png|200px|thumb|right|Drapeau royal de France]] | |||
Les lois d’exil abolies le 8 juin 1871 (celles de 1832 qui bannissait sa famille puis celle en 1848), il réside à Chambord sous le nom de Comte de Mercoeur. Il publie le 8 juillet suivant, un manifeste où il proclame son attachement au drapeau blanc d’Henri IV (manifeste publié dans l’organe légitimiste, l’Union) et fort de sa légitimité refuse de rencontrer le Comte de Paris. Certains légitimistes avaient tenté de dissuader le Prince de proclamer ce manifeste en essayant de lui faire adopter le principe d’un drapeau tricolore orné d’une fleur de lys. Henri V peut compter sur le soutien de quelques 80 députés légitimistes surnommés «[[Les Chevau(x)-légers]]». Le 25 septembre 1872, il publie encore un manifeste et affirme qu’il ne serait ''« devenir le roi légitime de la révolution »''. Tout est dit. Si monarchie il y a, elle se fera avec lui et le drapeau blanc. | |||
[[Fichier:Drapeau proposé de France.png|200px|thumb|left|Drapeau alternatif proposé au Comte de Chambord]] | |||
''« Je ne puis oublier que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu'il m'impose envers elle. Ces devoirs, je les remplirai, croyez-en ma parole d'honnête homme et de roi. […...] Je suis prêt à tout pour relever mon pays de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde ; le seul sacrifice que je ne puis lui faire, c'est celui de mon honneur. […] je ne laisserai pas arracher de mes mains l'étendard d'Henri IV, de François Ier et de Jeanne d'Arc. […] Je l'ai reçu comme un dépôt sacré du vieux roi mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu'il ombrage ma tombe. »'' | |||
On reparle alors de fusion entre les différents courants monarchistes (les Chevaux-légers légitimistes, le parti Ultramontain de Monseigneur Dupanloup ou ceux libéraux du Duc de Broglie) . L’avocat et journaliste Adolphe Thiers (1797-1877) qui a contribué à la proclamation de la monarchie de Juillet avant de rallier le parti républicain en 1850 a été élu Président de la République le 31 août 1871. L’homme est controversé. Il traite avec les monarchistes et les républicains en même temps. Il irrite les partis politiques. La majorité monarchiste fait tomber son gouvernement le 24 mai 1873 et c’est le Maréchal Patrice de Mac Mahon (1808-1893) qui est élu avec 391 voix contre 1 et 300 abstentions. C’est un légitimiste convaincu qui s’est entendu avec le leader des royalistes au Parlement (le Duc Albert de Broglie) pour restaurer la monarchie | |||
== Une tentative inaboutie de restaurer la monarchie== | |||
[[Fichier:Chambord.jpg|200px|thumb|right|Le Comte de Chambord]] | |||
L’affaire de la réconciliation est d’autant plus importante que le Comte de Chambord est sans enfants. Les Orléanistes acceptent le principe d’une restauration en faveur d’Henri V à la seule condition que le Comte de Paris lui succède par la suite. | |||
La visite de Philippe d'Orléans comte de Paris (1838-1894), petit-fils de Louis-Philippe, à Frohsdorf (Autriche) le 5 août 1873 au le comte de Chambord va permettre cette réconciliation attendue. Philippe d’Orléans salue en le Comte de Chambord le « seul représentant du principe monarchique ». On applaudit cette union des deux branches. Le Comte de Paris se paraît d'une légitimité et comprends qu'après lui, il héritera du trône. Compromis de famille sur lequel le Comte de Chambord parle peu. | |||
Les milieux monarchistes s'agitent. On bat monnaie à l'effigie d'Henri V et on prépare le carrosse du couronnement. " ''L’Assemblée déclare d'utilité publique la construction à Montmartre d'une basilique dédiée au Sacré Cœur de Jésus, lancée à la fin de 1871 par une souscription nationale. La mosaïque géante devant orner le plafond du chœur doit faire figurer aux pieds du Christ en majesté, le roi Henri V priant au nom de la France repentante. Le marquis de Dreux-Brézé commande chez Binder, le plus grand carrossier de l'époque, les douze voitures qui participeront au défilé, commence le recrutement des premiers serviteurs de la maison royale, fait exécuter par Lemoine, bijoutier de la Légion d'honneur, un cordon et une plaque au centre de laquelle une fleur de lis remplace l'aigle impériale. Maxence de Damas choisit dans les écuries de l'armée le cheval que montera Henri V pour entrer dans sa capitale. Le voyage de Frohsdorf à Paris s'effectuera en train et s'achèvera gare de l'Est, décorée pour la circonstance. Le roi y sera attendu par le président de la République, les ministres, les députés, les chefs de l'armée, les représentants du clergé. En secret, les royalistes de la capitale font confectionner des fanions blancs fleurdelisés d'or, dont ils espèrent couvrir la capitale. Le roi se rendra à Notre-Dame-de-Paris puis les invalides avant de partir s'installer à Versailles dans les appartements libérés par la présidence de l'Assemblée nationale et qui étaient ceux de Louis XVI. Le ministre des Affaires étrangère informent que les lettres des ambassadeurs devraient être adressés à S.M. le roi de France''". La restauration est sur toutes les bouches des monarchistes. | |||
Seul reste non résolu le problème du drapeau blanc ! | |||
Et sur ce point le Comte de Chambord reste intransigeant. Malgré la médiation le 14 Octobre du député des Basses-Pyrénées Charles Chesnelong, Henri V refuse de transiger sur ce principe et le confirme le 27 Octobre par une lettre qui sera publiée dans ''« L’Union »'' 3 jours plus tard. Le prétendant refuse d'être l'otage d'un parlement et de ses luttes , encore moins d'être un roi qui ne gouverne pas. Cette publication met fin brutalement à tout espoir de la restauration de la monarchie. | |||
Constatant que la crispation relative à l'Affaire du drapeau blanc rendait moins proche la restauration monarchique, l'assemblée vota dans la nuit du 20 Novembre 1873 une disposition prévoyant que le mandat du Président de la République (même si la République n'était alors envisagée que comme un régime temporaire) serait de sept ans .Cette, prolongation des pouvoirs de Mac- Mahon devait, aux yeux des monarchistes majoritaires à la chambre ,permettre d'attendre la mort du comte de Chambord et l’avènement de son cousin Philippe d'Orléans, Comte de Paris, plus prompte à accepter le drapeau tricolore. | |||
[[Fichier:Caricature sur le Comte de Chambord.jpg|300px|thumb|left|Caricature du Comte de Chambord]] | |||
Ulcéré, le Maréchal de Mac –Mahon refusa de recevoir le Comte de Chambord qui était installé à Versailles depuis le 9 Novembre 1873. Le gouvernement d’Albert de Broglie devait tomber le 16 Mai 1874. L’amendement Wallon acheva de mettre en place les institutions républicaines le 29 Janvier 1875. | |||
Alphonse Thiers, premier Président de la République,avait déclaré :"''On peut appeler le Comte de Chambord, le Washington français car il a fondé la République''" | |||
Le 5 Janvier 1879, les Républicains obtiennent la majorité parlementaire. Mac- Mahon démissionnera, désavoué, le 30 Janvier 1879. | |||
== Une douloureuse mort en exil== | |||
En Juin 1883, le comte de Chambord est atteint d'une maladie des voies digestives dont il meurt le 24 Août 1883, en exil dans son château de Frohsdorf (Autriche). Inhumé auprès de Charles X à Göritz (aujourd’hui Nova Gorica en Slovénie) , ils sont les deux derniers Bourbons à ne toujours pas être enterrés en France à ce jour (2014). | |||
A son décès, la presse nationale et internationale rendu un vibrant hommage au Comte de Chambord. | |||
3000 personnes se presseront aux funérailles du Comte de Chambord à Saint Germain l'Auxerrois et 1800 autres s'entassent à l'extérieur. | |||
==La question de sa succession== | |||
Lors de son décès la question de la succession se pose. Posée au Comte de Chambord, il avait répondu que son successeur serait « celui qui aura le droit.». Le Comte de Chambord ne faisait pas mystère de son aversion pour les Orléans et lors de l'ouverture de son testament, il n'y mentionna pas le Comte de Paris. Il léguait à un Bourbon d'Espagne, le duc de Madrid, petit-fils de [[Jean III (Bourbon)]], ses archives, l'argenterie aux armes de France, les colliers des ordres royaux et les étendards confiés en 1830 à Charles X. Cela suffit il à désigner à la branche d'Espagne, son héritage direct ? | |||
En effet, la réponse à cette question reste encore source de litige et de division entre monarchistes aujourd'hui. | |||
Le 3 août 1873, lors de sa rencontre avec Henri V, [[Philippe VII]] d'Orléans déclare ainsi à son cousin : « ''Je viens en mon nom, et au nom de tous les membres de ma famille, vous présenter mes respectueux hommages, non seulement comme au chef de notre maison mais comme au représentant du principe monarchique en France ''». À ces mots, le Comte de Chambord l’embrasse et lui répond : « ''Croyez, mon cousin, que je trouve tout naturel que vous conserviez les opinions politiques de votre famille, dans lesquelles vous avez été élevé. L’héritier du trône peut avoir ses idées comme le Roi a les siennes'' ». Quelques jours plus tard le prince déclare à un journaliste "''Sachez que, moi mort, M. le comte de Paris, eût-il méconnu l'héritage, est quand même l'héritier. La légitimité l'enserrera et il sera aussi légitime que moi''." | |||
Reconnaissance de fait ? C'est encore le Comte de Chambord qui brouille la réponse à cette question. Sur son lit de mort devant un Duc de Chartres médusé, il déclare : "je ne veux pas que mon cercueil serve d'escabeau aux Orléans ! " | |||
Pourtant certains fidèles (Blacas, Damas d'Hautefort, Raincourt, Chevigné, Monti de Rézé..) du Comte de Chambord dans une lettre publiée par " Le Figaro" en date du 6 septembre 1883 annoncent leur ralliement au Comte de Paris alors que la presse parisienne évoque "un groupe d'intransigeants qui pousserait don Jaime à réclamer le trône de France " (ici sont désignés Henri de Cathelineau ou Maurice d'Andigné ou sous le sobriquet de "la Petite Eglise de Frohsdorf") | |||
On nage en pleine confusion lors des funérailles du Comte de Chambord avec la déclaration de l'hôtel des Trois Couronnes signée du duc de La Rochefoucauld-Bisaccia : " ''Les Français réunis à Göritz pour rendre un suprême et douloureux hommage au Roi affirment leur inébranlable fidélité au principe de la Monarchie héréditaire et traditionnelle et saluent dans le Comte de Paris le chef de la Maison de France'' ". Exceptés que certains monarchistes récusèrent cette déclaration en lui opposant un banquet royaliste de Marseille, deux ans plus tôt où Don Carlos ou son fils avaient été proposé comme l'héritier du comte de Chambord à la Couronne de France. | |||
Le 28 août 1883, le Comte de Paris, accompagné du duc d'Orléans, de Nemours, d'Alençon et du Prince de Joinville viennent se recueillir devant la dépouille du Comte de Chambord. Et les légitimistes d'apprendre que le Comte de Paris à pris la liberté d'informer les monarchies européennes du décès du prétendant et a fait acte de ses propres prétentions, offusquant l'Empereur François-Joseph Ier . A noter que la phrase " Le Roi est mort, Vive le Roi" ne sera pas prononcée dans la chambre funéraire comme il était de coutume sous la monarchie. | |||
Le Journal "Le Temps" à a propos de cette querelle dynastique naissante en 1883 conclu en ces termes le 11 septembre de la même année: "On aura beau faire et beau dire la succession du comte de Chambord n'est pas de celles qui se liquident en un jour". | |||
==Le légitimisme à la mort du Comte de Chambord== | |||
D'un point de vu politique, il est indéniable que celui-ci meurt à la mort du Comte de Chambord. Le légitimisme et ses principes s'incarnent à travers divers groupuscules qui n'auront pas d'influence sur la vie politique française. L'absence de réel prétendant va d'ailleurs nuire aux actions des tenants de l'héritage du Comte de Chambord. Philippe VII ne cherche pas à poursuivre l'oeuvre de son prédécesseur mais plus à réunir sous son nom les forces conservatrices en présence sous la IIIième république. Assez bien réussi car aux élections d'octobre 1885, on ne parle plus de légitimiste ou d'orléaniste mais de groupe monarchiste avec 73 élus ( soit 12.50% des voix). Une majorité de royalistes français reporta donc ses espoirs de restauration sur le Comte de Paris car il vivait autant en France qu'il était connu des Français. | |||
Néanmoins tout comme le Comte de Paris, le prétendant légitimiste a bien du mal à exciper une déclaration du Comte de Chambord en sa faveur. | |||
Dans une lettre circulaire datée du 26 août 1883 le marquis de Dreux-Brezé avait ordonné la dissolution de tous les comités royalistes qui " n'existent plus, ni en droit, ni en fait. Ils n'ont plus un motif pour se réunir ". Il entendait les groupes qui se réclamaient du Comte de Chambord. Joseph du Bourg, ancien représentant du comte de Chambord dans la région de Toulouse, ne l'entendra pas ainsi et en octobre 1883 écrit: " Ma conviction personnelle est que la succession légitime du trône de France repose sur les descendants du duc d'Anjou ". | |||
L'attitude de la Comtesse de Chambord , Marie-Thérèse de Modène, face au prétendant orléaniste est violente. Elle ne reconnaît absolument pas leurs droits au trône et s'érige en héritière de l'oeuvre de son défunt mari. A Philippe VII, les légitimistes opposent une lettre du du 24 octobre 1883 où Don Carlos en admirateur de sa tante, la Comtesse de Chambord, exprimera ses droits au trône de France " en mainten(ant) avec énergie, le droit de mon père qui, en renonçant au trône d'Espagne, n'a renoncé ni à la France, ni à aucun des droits de primogéniture, dont il est maintenant le dépositaire". Lors des funérailles, avec ses parents le Duc de Parme et celui de Madrid, elle refuse que le Comte de Paris soit présent dans le cortège qui doit mener son mari vers sa dernière demeure. | |||
Marie Thérèse de Modène meurt au palais Lantieri à Gorizia en Italie le 25 mars 1886. Elle est inhumée au couvent des franciscains de Castagnavizza (à Nova Gorica, actuellement en Slovénie). | |||
==Bibliographie== | |||
* Daniel de Montplaisir, Le Comte de Chambord, dernier roi de France, Paris, Perrin | |||
* Jean-Paul Bled, Les lys en exil ou la seconde mort de l’Ancien Régime, Paris, Fayard | |||
==Liens internes== | |||
* Affaire du [[Drapeau blanc]] | |||
*[[Conception de la monarchie par Henri V]] | |||
*[[Le Comte de Chambord et l'actualité internationale de son temps]] | |||
*[[Extraits des manifestes du Comte de Chambord]] | |||
*[[Point de vue de Charles Maurras sur l'échec de la restauration]] | |||
==Liens externes== | |||
*[http://www.comtedechambord.fr]: Site consacré au Comte de Chambord | |||
*[http://lauhic.perso.neuf.fr/Restauration.html] : Site/résumé consacré à la période de la Restauration | |||
*[http://www.heraldica.org/topics/france/manifestes.htm] : Manifestes du Comte de Chambord | |||
*[http://histoireetculture.wordpress.com/le-comte-de-chambord-1ere-partie/] : Histoire du Comte de Chambord | |||
*[http://www.viveleroy.fr/Lettre-sur-les-ouvriers-par-Henri,14]: Lettre sur les ouvriers par Henri V comte de Chambord (20 Avril 1865) | |||
*[http://richemont.hautetfort.com/tag/comte%20de%20chambord] : Le château de Frohsdorf | |||
*[http://fr.topic-topos.com/monument-du-comte-de-chambord-sainte-anne-dauray] : Monument en hommage au Comte de Chambord édifié en 1889. | |||
*[http://www.democratie-royale.org/article-henri-v-refuse-d-etre-le-roi-legitime-de-la-revolution-72658192.html] : Site de Démocratie royale (légitimiste) | |||
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Henri V
Henri Charles Ferdinand Marie Dieudonné (1820-1883), duc de Bordeaux, titré proprio motu comte de Chambord à partir de 1830. Il fut prétendant au trône de France de 1844 à 1883. Avec lui s'éteint la lignée des Bourbons issue d'Henri IV.
L’enfant du miracle
Tout est romanesque dans la vie de ce prince : les conditions de sa naissance (« l’enfant du miracle » selon Lamartine, "Il est né l'enfant du miracle ! Héritier du sang d'un martyr, Il est né d'un tardif oracle, Il est né d'un dernier soupir !" venu au monde sept mois après l’assassinat de son père), l’épopée de sa mère, la duchesse de Berry, son refus enfin de la couronne proposée (Affaire du drapeau blanc, cf. le manifeste du 5 juillet 1871).
Né le 29 Septembre 1820 au Palais des Tuileries (Paris) de Marie- Caroline de Bourbon- Siciles (1798-1870) et du Prince Charles Ferdinand d’Artois, le jeune Henri ne connut pas son père dont il était le deuxième enfant.
Fils cadet de Louis XVIII de Bourbon et Roy de France, Charles Ferdinand d’Artois, Duc de Berry (né en 1778), fut brutalement assassiné dans la nuit du 13 au 14 Février 1820 par l’ouvrier Louvel. Son épouse, Marie- Caroline de Bourbon- Siciles, alors enceinte devait accoucher à 2 heures du matin au Pavillon de Marsan, le 29 Septembre suivant, dans des conditions difficiles du fils de Charles Ferdinand, Henri Dieudonné, futur Comte de Chambord. Afin d’honorer la première ville qui s’était rallié à lui en 1814, Louis XVIII lui octroya le titre de Duc de Bordeaux. Lors de sa naissance, 20000 parisiens vinrent rendre hommage au nouveau-né.
Sa naissance accrut la popularité du la dynastie dans un pays tourmenté par les divisions politiques, partagé entre partisans des Duc d’Orléans, des Républicains et ceux du Bonapartisme, nostalgique du Premier Empire.
La révolution de 1830
Henri Dieudonné grandit dans l’insouciance de son enfance loin des turpitudes de la politique française entre le Palais des Tuileries, Saint Cloud et Bagatelle. Pourtant tout autour de lui vacillaient les difficiles acquis de la restauration de 1814, la monarchie également. Charles X de Bourbon qui régnait alors sur la France depuis le, date de la mort de Louis XVIII, était un Roi intransigeant, marqué par le traumatisme de la Révolution française qui avait amenée à l’échafaud son frère Louis XVI. Des mesures sévères votées et impopulaires, le conservatisme affiché du Roi et la dégradation des conditions sociales ternirent l’image de la monarchie. C’est dans une atmosphère de complots avérés qu’éclata la révolution de 1830 ou dite des Trois glorieuses.
Trop jeune pour le comprendre, le prince est le jouet des événements de la politique française. Le 1er août 1830, Charles X confie la Lieutenance-général du pays au Duc d'Orléans. L'abdication de Charles X et de son fils, Louis XIX, Duc d'Angoulême pousse l'enfant sur le trône de France. Mais 6 jours plus tard, la chambre des députés proclame le Duc d'Orléans, Roi des Français.
Un prince royal
La famille royale part en exil en Angleterre malgré les protestations de la Duchesse de Berry qui n’a de cesse de se montrer en tenue d’homme, pistolets autour de la taille. Le Duc d’Angoulême, dauphin du trône est aux côtés de son épouse Marie- Thérèse (1778-1851), la fille survivante de Louis XVI et Marie-Antoinette. Autant dire que le Duc de Bordeaux baigne dans l’atmosphère d’une époque révolue. Sa mère est débordante d’énergie et souhaite restaurer son beau- père Charles X. Entrée par mariage dans la famille royale en 1816, elle est Princesse de Naples. Lors des événements de Juillet 1830, la Duchesse de Berry annonce à Charles X qu’elle va se présenter à la Chambre avec son fils sous le bras pour le faire reconnaître comme Roi de France. Charles X aura toutes les peines du monde à lui faire renoncer à ce projet. Pis en exil, lorsqu’elle évoque qu’elle va rentrer en France et soulever la Vendée et la Bretagne contre le Roi des Français, le vieux souverain acceptera de cautionner cette aventure que du bout des lèvres.
Elle confie alors l’éducation de son fils à la Duchesse de Gontaud avant que celui-ci passe sous l’autorité d’un gouverneur à l’âge de 6 ans (pas moins de 3 entre 1826 et 1830) et part soulever les deux régions de France, traditionnellement considérées comme monarchistes et de se faire proclamer régente. Elle arrive à Modène au Printemps 1832, seul duché italien à ne pas avoir reconnu Louis- Philipe Ier. Ce dernier a eu vent de l’arrivée de la Duchesse et la fait suivre par ses agents. Le 28 Avril, Marie-Caroline débarque à Marseille et tente de s’en emparer. Le complot échoue avant même de commencer. Loin de s’avouer battue, elle gagne la Vendée le 18 Mai et réunit autour d’elle pas moins de 20 000 combattants, y compris des carlistes espagnols. On est loin du soulèvement général attendu. Des escarmouches, attaques de châteaux, quelques combats qui poussent la Duchesse et les restes de son Armée Catholique et Royale à se réfugier à Nantes le 9 Juin. Ce n’est que le 6 Novembre 1832 que la Duchesse de Berry est découverte, cachée, derrière une cheminée d’une maison de Nantes. Prisonnière, on découvre la Duchesse de Berry enceinte du Comte Lucchesi-Palli à qui elle donnera naissance d’une fille en Mai 1833.
En Juin 1833, elle est renvoyée à Palerme, Charles X ne souhaite plus la voir. La Duchesse de Berry va alors entrer en conflit avec Charles X au sujet de l’éducation du Duc de Bordeaux qui devient l’objet d’attention du mouvement légitimiste. Charles X ira jusqu'à demander au Chancelier Metternich de fermer les frontières de l'Empire autrichien à sa belle-fille pour éviter sa présence à la majorité du prince à Prague. Le roi exilé tient encore au règle protocolaire de son rang et la présence de centaines de légitimistes venus acclamer Henri V ne lui plaît guère autant que les forces de polices autrichiennes mobilisées en cas de débordement. Dans des mots choisis, le jeune prince affublé d'une redingote et d'une fraise style Henri IV déclare à la délégation venue le voir le 27 septembre : "Messieurs, je travaille de toutes mes forces à me rendre digne des devoirs importants que la naissance m'impose et que vous venez de me le rappeler(..)"
Le mouvement légitimiste (incarné par le parti de la "Jeune France") n’a au final pas souffert autant que cela de l’échec de la Duchesse de Berry. Si de nombreuses délégations font le siège pour saluer le Duc de Bordeaux, aux élections de 1834, c'est également 29 députés qui font leur entrée au Parlement (contre 2 en 1831). On se dispute le leadership de la cause monarchiste divisée entre carlistes (partisans de Charles X) et Henriquinquinistes. Seuls les royalistes de l'Ouest refusent de participer aux élections. L’espoir d’une restauration s’éloigne.
A la mort de Charles X, c’est son fils Louis d’Angoulême (Louis XIX) qui assure la continuité dynastique. Personne ne proteste pas plus que le Duc de Bordeaux, sous la coupe de sa tante et qui ne fait pas preuve de velléité d’indépendance. Le mouvement légitimiste prend d’ailleurs fait et cause pour celui qui sera désormais connu sous le nom de Comte de Marne. Henri Duc de Bordeaux continue son éducation à Göritz, celle qui sied à un Prince de son époque. Escrime, séance de tir au pistolet , équitation (un accident le 28 Juillet 1841 le rendra boiteux) et matières scolaires (il parlera l’allemand, l’italien et l’anglais couramment) sans oublier l'art militaire distillé par le Général Clouet, un ancien chef de la chouannerie de 1832... Henri V rencontrera régulièrement sa mère qui vit désormais en Italie où elle y meurt le 16 Avril 1870.
Le comte de Chambord (titre définitif qu’il adopte en 1839) reste cependant sans activité politique officielle (entre 1840 et 1843, il voyage en Europe (il sera reçu par le Pape Grégoire XVI), suit les manœuvres militaires avec l’Autriche avec intérêt..), reçoit les légitimistes qui l'appellent déjà "le Roi Henri", s'entoure de Pères jésuites et doit attendre seulement à partir du 3 juin 1844, date de la mort de son oncle, Louis XIX, pour enfin prendre possession de son héritage. Il publie à cette effet un premier manifeste :
«Devenu, par la mort du comte de Marnes, chef de la maison de Bourbon, je regarde comme un devoir de protester contre le changement qui a été introduit dans l'ordre légitime de succession à la couronne et de déclarer que je ne renoncerai jamais aux droits que, d'après les lois françaises, je tiens de ma naissance. Ces droits sont liés à de grands devoirs qu'avec la grâce de Dieu, je saurai remplir ; toutefois je ne veux les exercer que lorsque, dans ma conviction, la Providence m'appellera à être véritablement utile à la France. Jusqu'à cette époque, mon intention est de ne prendre dans l'exil où je suis forcé de vivre que le nom de comte de Chambord ; c'est celui que j'ai adopté en sortant de France. »
Il s’installe avec la cour en exil à Frohsdorf (acheté pour lui en 1844 par le Duc de Blacas), en Autriche et épouse en la Princesse Marie- Thérèse de Habsbourg- Modène (1817-1886). La Princesse présentera par la suite une malformation utérine, due à l'avancée d'une travée osseuse de son bassin qui barrait de long en large l'entrée de son utérus. Il lui sera impossible d'enfanter ou d'avoir des rapports sexuels. Un problème qui ne sera pas sans conséquences quand on sait que le Comte de Chambord lui préférait sa soeur, Marie- Béatrice de Modène.
Lorsque la révolution de 1848 éclate en France, le Comte de Chambord est surpris mais ne manifeste aucune joie à la chute de Louis- Philippe Ier bien qu'il jugera cela "comme un juste châtiment". Il n’apprécie guère non plus les révolutions nationalistes qui éclatent en Hongrie et voit en ces événements la nécessité d’agir en faveur du redressement national. Ses partisans s’impatientent et l’accusent d’inaction (les élections d’Avril avaient envoyé à l’Assemblée 200 députés légitimistes puis celle du 13 Mai 1849, réunis sous les couleurs du Parti de l’ordre, 450 députés orléanistes et légitimistes). Pour autant, il ne rentrera pas à Paris et c’est un autre Prince, Louis- Napoléon Bonaparte qui profite du vide politique pour s’imposer sur la scène politique française, en se faisant d’abord élire Président d’une République éphémère puis Empereur le 2 Décembre 1851 (le Comte de Chambord jugea d’ailleurs cet événement comme étant éphémère).
Le 25 Octobre 1852, il affirme son rejet de l’Empire et appelle à la restauration de la monarchie :
« Le génie et la gloire de Napoléon n'ont pu suffire à fonder rien de stable ; son nom et son souvenir y suffiraient bien moins encore. On ne rétablit pas la sécurité en ébranlant le principe sur lequel repose le trône […]. La monarchie en France, c'est la maison royale de France indissolublement unie à la nation. [...] Je maintiens donc mon droit qui est le plus sûr garant des vôtres, et, prenant Dieu à témoin, je déclare à la France et au monde que, fidèle aux lois du royaume et aux traditions de mes aïeux, je conserverai religieusement jusqu'à mon dernier soupir le dépôt de la monarchie héréditaire dont la Providence m'a confié la garde, et qui est l'unique port de salut où, après tant d'orages, cette France, objet de tout mon amour, pourra retrouver enfin le repos et le bonheur.»
Henri V candidat des légitimistes, Louis-Philippe Ier (puis à son décès le 26 août 1850 son petit-fils Philippe VII, Comte de Paris) reste celui des orléanistes. Les monarchistes sont plus que divisés. Et cette division a fait le jeu des bonapartistes. Le Comte de Chambord a-t-il compris l’importance d’une réconciliation lorsqu’il ordonne que sa cour prenne le deuil du Roi Louis-Philippe Ier ? On en discute dans les deux familles. La Reine Marie-Amélie de Bourbon-Siciles (Henri V prendra l'initiative de faire célébrer une messe à son décès) et son fils, le Duc de Nemours souhaitent cette réconciliation, le Prince de Joinville et le Duc Montpensier restent neutres à défaut du Duc d’Aumale fervent partisan de la monarchie tricolore. Enfin, comme la Duchesse de Berry avant elle, la Duchesse Hélène d’Orléans entend se battre pour que son fils, Philippe Comte de Paris soit mis sur le trône. Malgré des rencontres (comme celle d’avril 1856 entre Marie Amélie et Henri V) entre les deux branches, chacun reste sur ses positions et ce jusque dans la sémantique. Les Orléans parlent de réconciliation alors que chez les légitimistes on lui préfère le terme de fusion.
Le Comte de Chambord s’organise, crée un conseil de 5 membres censé diriger le mouvement légitimiste jusqu’ici laissé aux seuls leaders parlementaires. Ce conseil ne brillera pas par ses actions. L’Italie de 1860 vit des soubresauts qui inquiètent le Comte de Chambord. Louise, Duchesse de Parme est emportée par les armées de Garibaldi et elle se battra pour préserver les droits de son fils Robert. Pis, l’invasion de Rome en 1859 a profondément choqué ce catholique. Des centaines de royalistes français se précipitent vainement au secours du Saint Siège.
Et quand il ne s’occupe pas de politique, flirte avec les idées socialistes comme dans cette lettre du 20 avril 1865 où il appelle les ouvriers à s’associer « pour la défense de leurs intérêts communs» ou voyage comme en 1861 en terre sainte ou songe à se porter à la tête d'un corps franc qui viendra en aide au Pape Pie IX assiégé par les Chemises rouges de Garibaldi avant d'abandonner l'idée faute de troupes.
A la chute du Second Empire en septembre 1870, le Comte de Chambord écrit au Roi de Prusse Guillaume Ier de Hohenzollern et lui signifie qu’il est prêt « (..) à remplir la mission qu’un devoir sacré lui impose ». En une lettre, le Comte de Chambord se propose de remonter sur le trône afin de garantir l’unité du pays qui sombre dans la guerre civile et voit l’avènement de la IIIième République. Le futur Empereur d’Allemagne ne répondra pas quand au Chancelier Bismarck, il se fendra de cette simple remarque cynique :"cet homme là n'est pas dangereux, il ne régnera jamais car il n'est pas capable de franchir la Marne, un sabre entre les dents" . Tout n’est pas perdu pour autant. Si la République a été effectivement proclamée, le Parlement est à majorité royaliste (396 députés (214 orléanistes et 182 légitimistes) face à 240 Républicains. Mais nul ne songe à proclamer la monarchie. D’ailleurs le pacte de Bordeaux signé par les partis politiques en présence le 10 mars précise que le régime politique sera défini dès la réorganisation du pays effectuée.
Les lois d’exil abolies le 8 juin 1871 (celles de 1832 qui bannissait sa famille puis celle en 1848), il réside à Chambord sous le nom de Comte de Mercoeur. Il publie le 8 juillet suivant, un manifeste où il proclame son attachement au drapeau blanc d’Henri IV (manifeste publié dans l’organe légitimiste, l’Union) et fort de sa légitimité refuse de rencontrer le Comte de Paris. Certains légitimistes avaient tenté de dissuader le Prince de proclamer ce manifeste en essayant de lui faire adopter le principe d’un drapeau tricolore orné d’une fleur de lys. Henri V peut compter sur le soutien de quelques 80 députés légitimistes surnommés «Les Chevau(x)-légers». Le 25 septembre 1872, il publie encore un manifeste et affirme qu’il ne serait « devenir le roi légitime de la révolution ». Tout est dit. Si monarchie il y a, elle se fera avec lui et le drapeau blanc.
« Je ne puis oublier que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu'il m'impose envers elle. Ces devoirs, je les remplirai, croyez-en ma parole d'honnête homme et de roi. […...] Je suis prêt à tout pour relever mon pays de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde ; le seul sacrifice que je ne puis lui faire, c'est celui de mon honneur. […] je ne laisserai pas arracher de mes mains l'étendard d'Henri IV, de François Ier et de Jeanne d'Arc. […] Je l'ai reçu comme un dépôt sacré du vieux roi mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu'il ombrage ma tombe. »
On reparle alors de fusion entre les différents courants monarchistes (les Chevaux-légers légitimistes, le parti Ultramontain de Monseigneur Dupanloup ou ceux libéraux du Duc de Broglie) . L’avocat et journaliste Adolphe Thiers (1797-1877) qui a contribué à la proclamation de la monarchie de Juillet avant de rallier le parti républicain en 1850 a été élu Président de la République le 31 août 1871. L’homme est controversé. Il traite avec les monarchistes et les républicains en même temps. Il irrite les partis politiques. La majorité monarchiste fait tomber son gouvernement le 24 mai 1873 et c’est le Maréchal Patrice de Mac Mahon (1808-1893) qui est élu avec 391 voix contre 1 et 300 abstentions. C’est un légitimiste convaincu qui s’est entendu avec le leader des royalistes au Parlement (le Duc Albert de Broglie) pour restaurer la monarchie
Une tentative inaboutie de restaurer la monarchie
L’affaire de la réconciliation est d’autant plus importante que le Comte de Chambord est sans enfants. Les Orléanistes acceptent le principe d’une restauration en faveur d’Henri V à la seule condition que le Comte de Paris lui succède par la suite.
La visite de Philippe d'Orléans comte de Paris (1838-1894), petit-fils de Louis-Philippe, à Frohsdorf (Autriche) le 5 août 1873 au le comte de Chambord va permettre cette réconciliation attendue. Philippe d’Orléans salue en le Comte de Chambord le « seul représentant du principe monarchique ». On applaudit cette union des deux branches. Le Comte de Paris se paraît d'une légitimité et comprends qu'après lui, il héritera du trône. Compromis de famille sur lequel le Comte de Chambord parle peu.
Les milieux monarchistes s'agitent. On bat monnaie à l'effigie d'Henri V et on prépare le carrosse du couronnement. " L’Assemblée déclare d'utilité publique la construction à Montmartre d'une basilique dédiée au Sacré Cœur de Jésus, lancée à la fin de 1871 par une souscription nationale. La mosaïque géante devant orner le plafond du chœur doit faire figurer aux pieds du Christ en majesté, le roi Henri V priant au nom de la France repentante. Le marquis de Dreux-Brézé commande chez Binder, le plus grand carrossier de l'époque, les douze voitures qui participeront au défilé, commence le recrutement des premiers serviteurs de la maison royale, fait exécuter par Lemoine, bijoutier de la Légion d'honneur, un cordon et une plaque au centre de laquelle une fleur de lis remplace l'aigle impériale. Maxence de Damas choisit dans les écuries de l'armée le cheval que montera Henri V pour entrer dans sa capitale. Le voyage de Frohsdorf à Paris s'effectuera en train et s'achèvera gare de l'Est, décorée pour la circonstance. Le roi y sera attendu par le président de la République, les ministres, les députés, les chefs de l'armée, les représentants du clergé. En secret, les royalistes de la capitale font confectionner des fanions blancs fleurdelisés d'or, dont ils espèrent couvrir la capitale. Le roi se rendra à Notre-Dame-de-Paris puis les invalides avant de partir s'installer à Versailles dans les appartements libérés par la présidence de l'Assemblée nationale et qui étaient ceux de Louis XVI. Le ministre des Affaires étrangère informent que les lettres des ambassadeurs devraient être adressés à S.M. le roi de France". La restauration est sur toutes les bouches des monarchistes.
Seul reste non résolu le problème du drapeau blanc !
Et sur ce point le Comte de Chambord reste intransigeant. Malgré la médiation le 14 Octobre du député des Basses-Pyrénées Charles Chesnelong, Henri V refuse de transiger sur ce principe et le confirme le 27 Octobre par une lettre qui sera publiée dans « L’Union » 3 jours plus tard. Le prétendant refuse d'être l'otage d'un parlement et de ses luttes , encore moins d'être un roi qui ne gouverne pas. Cette publication met fin brutalement à tout espoir de la restauration de la monarchie.
Constatant que la crispation relative à l'Affaire du drapeau blanc rendait moins proche la restauration monarchique, l'assemblée vota dans la nuit du 20 Novembre 1873 une disposition prévoyant que le mandat du Président de la République (même si la République n'était alors envisagée que comme un régime temporaire) serait de sept ans .Cette, prolongation des pouvoirs de Mac- Mahon devait, aux yeux des monarchistes majoritaires à la chambre ,permettre d'attendre la mort du comte de Chambord et l’avènement de son cousin Philippe d'Orléans, Comte de Paris, plus prompte à accepter le drapeau tricolore.
Ulcéré, le Maréchal de Mac –Mahon refusa de recevoir le Comte de Chambord qui était installé à Versailles depuis le 9 Novembre 1873. Le gouvernement d’Albert de Broglie devait tomber le 16 Mai 1874. L’amendement Wallon acheva de mettre en place les institutions républicaines le 29 Janvier 1875.
Alphonse Thiers, premier Président de la République,avait déclaré :"On peut appeler le Comte de Chambord, le Washington français car il a fondé la République"
Le 5 Janvier 1879, les Républicains obtiennent la majorité parlementaire. Mac- Mahon démissionnera, désavoué, le 30 Janvier 1879.
Une douloureuse mort en exil
En Juin 1883, le comte de Chambord est atteint d'une maladie des voies digestives dont il meurt le 24 Août 1883, en exil dans son château de Frohsdorf (Autriche). Inhumé auprès de Charles X à Göritz (aujourd’hui Nova Gorica en Slovénie) , ils sont les deux derniers Bourbons à ne toujours pas être enterrés en France à ce jour (2014).
A son décès, la presse nationale et internationale rendu un vibrant hommage au Comte de Chambord.
3000 personnes se presseront aux funérailles du Comte de Chambord à Saint Germain l'Auxerrois et 1800 autres s'entassent à l'extérieur.
La question de sa succession
Lors de son décès la question de la succession se pose. Posée au Comte de Chambord, il avait répondu que son successeur serait « celui qui aura le droit.». Le Comte de Chambord ne faisait pas mystère de son aversion pour les Orléans et lors de l'ouverture de son testament, il n'y mentionna pas le Comte de Paris. Il léguait à un Bourbon d'Espagne, le duc de Madrid, petit-fils de Jean III (Bourbon), ses archives, l'argenterie aux armes de France, les colliers des ordres royaux et les étendards confiés en 1830 à Charles X. Cela suffit il à désigner à la branche d'Espagne, son héritage direct ?
En effet, la réponse à cette question reste encore source de litige et de division entre monarchistes aujourd'hui.
Le 3 août 1873, lors de sa rencontre avec Henri V, Philippe VII d'Orléans déclare ainsi à son cousin : « Je viens en mon nom, et au nom de tous les membres de ma famille, vous présenter mes respectueux hommages, non seulement comme au chef de notre maison mais comme au représentant du principe monarchique en France ». À ces mots, le Comte de Chambord l’embrasse et lui répond : « Croyez, mon cousin, que je trouve tout naturel que vous conserviez les opinions politiques de votre famille, dans lesquelles vous avez été élevé. L’héritier du trône peut avoir ses idées comme le Roi a les siennes ». Quelques jours plus tard le prince déclare à un journaliste "Sachez que, moi mort, M. le comte de Paris, eût-il méconnu l'héritage, est quand même l'héritier. La légitimité l'enserrera et il sera aussi légitime que moi."
Reconnaissance de fait ? C'est encore le Comte de Chambord qui brouille la réponse à cette question. Sur son lit de mort devant un Duc de Chartres médusé, il déclare : "je ne veux pas que mon cercueil serve d'escabeau aux Orléans ! "
Pourtant certains fidèles (Blacas, Damas d'Hautefort, Raincourt, Chevigné, Monti de Rézé..) du Comte de Chambord dans une lettre publiée par " Le Figaro" en date du 6 septembre 1883 annoncent leur ralliement au Comte de Paris alors que la presse parisienne évoque "un groupe d'intransigeants qui pousserait don Jaime à réclamer le trône de France " (ici sont désignés Henri de Cathelineau ou Maurice d'Andigné ou sous le sobriquet de "la Petite Eglise de Frohsdorf")
On nage en pleine confusion lors des funérailles du Comte de Chambord avec la déclaration de l'hôtel des Trois Couronnes signée du duc de La Rochefoucauld-Bisaccia : " Les Français réunis à Göritz pour rendre un suprême et douloureux hommage au Roi affirment leur inébranlable fidélité au principe de la Monarchie héréditaire et traditionnelle et saluent dans le Comte de Paris le chef de la Maison de France ". Exceptés que certains monarchistes récusèrent cette déclaration en lui opposant un banquet royaliste de Marseille, deux ans plus tôt où Don Carlos ou son fils avaient été proposé comme l'héritier du comte de Chambord à la Couronne de France.
Le 28 août 1883, le Comte de Paris, accompagné du duc d'Orléans, de Nemours, d'Alençon et du Prince de Joinville viennent se recueillir devant la dépouille du Comte de Chambord. Et les légitimistes d'apprendre que le Comte de Paris à pris la liberté d'informer les monarchies européennes du décès du prétendant et a fait acte de ses propres prétentions, offusquant l'Empereur François-Joseph Ier . A noter que la phrase " Le Roi est mort, Vive le Roi" ne sera pas prononcée dans la chambre funéraire comme il était de coutume sous la monarchie.
Le Journal "Le Temps" à a propos de cette querelle dynastique naissante en 1883 conclu en ces termes le 11 septembre de la même année: "On aura beau faire et beau dire la succession du comte de Chambord n'est pas de celles qui se liquident en un jour".
Le légitimisme à la mort du Comte de Chambord
D'un point de vu politique, il est indéniable que celui-ci meurt à la mort du Comte de Chambord. Le légitimisme et ses principes s'incarnent à travers divers groupuscules qui n'auront pas d'influence sur la vie politique française. L'absence de réel prétendant va d'ailleurs nuire aux actions des tenants de l'héritage du Comte de Chambord. Philippe VII ne cherche pas à poursuivre l'oeuvre de son prédécesseur mais plus à réunir sous son nom les forces conservatrices en présence sous la IIIième république. Assez bien réussi car aux élections d'octobre 1885, on ne parle plus de légitimiste ou d'orléaniste mais de groupe monarchiste avec 73 élus ( soit 12.50% des voix). Une majorité de royalistes français reporta donc ses espoirs de restauration sur le Comte de Paris car il vivait autant en France qu'il était connu des Français.
Néanmoins tout comme le Comte de Paris, le prétendant légitimiste a bien du mal à exciper une déclaration du Comte de Chambord en sa faveur.
Dans une lettre circulaire datée du 26 août 1883 le marquis de Dreux-Brezé avait ordonné la dissolution de tous les comités royalistes qui " n'existent plus, ni en droit, ni en fait. Ils n'ont plus un motif pour se réunir ". Il entendait les groupes qui se réclamaient du Comte de Chambord. Joseph du Bourg, ancien représentant du comte de Chambord dans la région de Toulouse, ne l'entendra pas ainsi et en octobre 1883 écrit: " Ma conviction personnelle est que la succession légitime du trône de France repose sur les descendants du duc d'Anjou ".
L'attitude de la Comtesse de Chambord , Marie-Thérèse de Modène, face au prétendant orléaniste est violente. Elle ne reconnaît absolument pas leurs droits au trône et s'érige en héritière de l'oeuvre de son défunt mari. A Philippe VII, les légitimistes opposent une lettre du du 24 octobre 1883 où Don Carlos en admirateur de sa tante, la Comtesse de Chambord, exprimera ses droits au trône de France " en mainten(ant) avec énergie, le droit de mon père qui, en renonçant au trône d'Espagne, n'a renoncé ni à la France, ni à aucun des droits de primogéniture, dont il est maintenant le dépositaire". Lors des funérailles, avec ses parents le Duc de Parme et celui de Madrid, elle refuse que le Comte de Paris soit présent dans le cortège qui doit mener son mari vers sa dernière demeure.
Marie Thérèse de Modène meurt au palais Lantieri à Gorizia en Italie le 25 mars 1886. Elle est inhumée au couvent des franciscains de Castagnavizza (à Nova Gorica, actuellement en Slovénie).
Bibliographie
- Daniel de Montplaisir, Le Comte de Chambord, dernier roi de France, Paris, Perrin
- Jean-Paul Bled, Les lys en exil ou la seconde mort de l’Ancien Régime, Paris, Fayard
Liens internes
- Affaire du Drapeau blanc
- Conception de la monarchie par Henri V
- Le Comte de Chambord et l'actualité internationale de son temps
- Extraits des manifestes du Comte de Chambord
- Point de vue de Charles Maurras sur l'échec de la restauration
Liens externes
- [1]: Site consacré au Comte de Chambord
- [2] : Site/résumé consacré à la période de la Restauration
- [3] : Manifestes du Comte de Chambord
- [4] : Histoire du Comte de Chambord
- [5]: Lettre sur les ouvriers par Henri V comte de Chambord (20 Avril 1865)
- [6] : Le château de Frohsdorf
- [7] : Monument en hommage au Comte de Chambord édifié en 1889.
- [8] : Site de Démocratie royale (légitimiste)