Jeanne d'Arc
Jeanne d'Arc
De l’obscurité de la forêt du Bois-Chenu à la lumière éclatante des autels en passant par le fracas des combats et les flammes du bûcher de Rouen, voici résumé en peu de mots le destin de Jeanne fille de France (1412-1431).
Une enfance de paysanne
C’est dans une famille de « laboureurs », paysans relativement aisés et dépendant au moins en partie du Royaume de France par le biais de la Châtellenie de Vaucouleurs (enclave française en Lorraine) que naquit Jeanne le 6 janvier 1412.. Il semble donc bien que la référence faite à « Jeanne la bonne lorraine, qu’Anglais brûlèrent à Rouen » dans la « Ballade des Dames du temps jadis » soit une licence politique de François Villon.
Des voix venues de Dieu
Sur ce que la pieuse Jeanne entendit à l’âge de treize ans, elle n’a jamais varié. Saint Michel , sainte Catherine et sainte Marguerite lui assignèrent la mission de libérer le royaume de France de l’occupation anglaise et de faire sacrer le « petit roi de Bourges » à Reims , « petit roi » qui deviendrait ainsi le roi de France Charles, VII e du nom. Sur le bûcher de Rouen, Jeanne affirma encore que ces voix ne l’avaient pas trompée et qu’elles étaient bien de Dieu.
D’abord convaincre ses proches
Agée de 16 ans, Jeanne comprit qu’elle ne pouvait retarder davantage l’obéissance à ses voix insistantes. Robert de Baudricourt prévôt de la forteresse de Vaucouleurs fut le premier dont elle devait emporter l’adhésion. Ce ne fut pas facile, mais le sire de Baudricourt finit par consentir à lui donne une petite escorte composée de six soldats car, habillée en homme pour plus de sûreté, il lui fallait traverser les lignes ennemies pour se rendre à Chinon (Touraine) où résidait alors le Charles VII surnommé par dérision « le petit roi de Bourges » à cause de l’étroitesse de ses possessions territoriales. "Va, va et advienne que pourra" lu dit-il en guise de viatique.
Ensuite convaincre le roi de France
Cela ne s’annonçait pas facile tant Charles VII ne croyait plus qu’à peine à son destin. Il faut dire que le « honteux » Traité de Troyes du 21 mai 1420 l’avait spolié de ses droits légitimes à la couronne de France. Par ce traité, le roi Charles VI son père, qui souffrait de graves troubles psychologiques, avait donné au roi d'Angleterre, Henri V, de la famille des Plantagenêts, sa fille Catherine en mariage, tout en le déclarant héritier de la couronne de France, au préjudice de son fils le Dauphin. Parallèlement , et c’était presque plus grave le roi Charles VII se demandait s’il était bien le fils légitime de son père.Les doutes royaux furent pourtant levés fin février 1429 en la forteresse royale de Chinon, après une entrevue avec la pucelle. En ces jours, Jeanne conquit l’amitié du roi et de sa belle-mère Yolande d’Aragon.
Les gens d'armes batailleront et Dieu donnera la victoire
En avril 1429, Jeanne, alors en résidence à Tours envoya chercher à Sainte-Catherine-de-Fierbois, à peu de distance, dans la chapelle dédié à Charles-Martel à sainte Catherine d'Alexandrie ... un des voix de Jeanne ! l’épée souvent considérée comme celle déposée là par Charles Martel après sa victoire de 732 sur les Maures . Vous creuserez derrière l’autel, vous enlèverez une dalle, des pierres, et à peu de profondeur, vous trouverez l’épée qu’il me faut . S’en suivit la campagne dite de la vallée de la Loire qui vit le 8 mai 1429, Jeanne réussir à briser le blocus anglais qui enserrait Orléans, Orléans dont la situation et, par suite la maîtrise, conditionnait les succès à venir de l’un ou l’autre camp. Jeanne rejoint le roi à Loches début juin et le persuade après une énergique entrevue : Noble Dauphin, ne tenez pas davantage tous ces conseils, si nombreux et si longs, venez donc au plus vite à Reims prendre la couronne à laquelle vous avez droit de partir pour Reims . Les victoires de Jargeau, Meung-sur-Loire, Beaugency et Patay (18 juin 1429). allaient ouvrir La route de Reims et du Sacre via Saint-Benoît sur Loire .
Remettre le royaume de France à l’endroit
Cette tâche fut certes l’oeuvre de Jeanne la combattante, mais elle résulta aussi de l’oeuvre de Jeanne la croyante, celle qui chassera les ribaudes de l’armée et qui demandera à ses hommes de se confesser avant les batailles. C’est avec une force de conviction qu’il est difficile de considérer comme d’origine seulement terrestre que Jeanne obtint de Charles VII deux choses :
- La triple donation du royaume de France : 21 juin 1429. Charles VII n’est Roi de France qu’en tant que Lieutenant du Christ, Christ qui est le véritable souverain du royaume
- le sacre à Reims, le 17 juillet 1429, le « roi de France » Anglais, le jeune Henri VI ayant jusque-là négligé de le faire, de l’ex « petit roi de Bourges » qui craignit pendant longtemps suite à une accusation du parti des Bourguignons de n’être que le fils adultérin de sa mère Isabeau de Bavière et de Louis d’Orléans.
Le roi sacré, la mission terrestre de Jeanne était achevée
Après le Sacre, Jeanne avait cru pouvoir bouter tous les Anglais hors de France mais la divine Providence en avait décidé autrement. Le 8 septembre 1429, Jeanne échoua devant Paris où, comble d’infortune, elle fut blessée à la cuisse ; Dans la foulée, l’armée royale sera dissoute. Jeanne continuera seule le combat jusqu’à Margny-les- Compiègne le 23 mai 1430 où les Bourguignons la firent prisonnière avant de la vendre aux Anglais. Ceux-ci l’emmenèrent à Rouen pour un procès conduit par des juges ecclésiastiques qui prit place du 23 février au 23 mai 1431.Dirigèrent les débats l’Evêque de Beauvais: Pierre Cauchon, Docteur en Théologie Evêque de Beauvais ,et depuis le début du conflit Armagnacs-Bourguignons, un soutien du parti Bourguignon et par suite un allié des Anglais puisque ceux ci ont pris le parti des Bourguignons contre les Armagnacs ainsi que frère Jean Le Maistre, vicaire de l’insigne docteur Jean Graverent, inquisiteur de la perversité hérétique, Condamnée à mort et livrée au bras séculier car l’Eglise ne pouvait verser le sang, Jeanne coiffée d’une mitre de papier, où sont écrits ces mots : Hérétique, relapse, apostate, idolâtre fut brûlée vive place du Vieux marché à Rouen le 30 mai 1431.
Rapide chronologie de la vie de Jeanne d'Arc
- 6 janvier 1412 : Jeanne d'Arc voit le jour à Domrémy, en pleine guerre de Cent Ans, qui oppose la France à l'Angleterre.
- 1425 : Agée de treize ans, elle entend des voix pour la première fois. Elle dit que ces voix viennent de Dieu et de l'archange Saint-Michel, de Sainte-Catherine et Sainte-Marguerite.
- 1428 :Durant le mois de juillet de cette année, les troupes anglaises attaquent Vaucouleurs. Jeanne et sa famille quittent Domrémy et se réfugient à Neufchâteau à cause de l’insécurité de la région. La place de Vaucouleurs résiste.
- 29 avril 1429 :Une jeune Lorraine, Jeanne d'Arc, qui se dit envoyée de Dieu (pour proclamer la légitimité de Charles et chasser les Anglais du royaume), entre à la tête d'une armée à Orléans. La ville est assiégée par les Anglais depuis octobre 1428. La dernière armée de Charles VII libérera Orléans le 8 mai 1429 et Jeanne d'Arc conduira Charles VII se faire sacrer à Reims le 17 juillet 1429. Celui-ci est alors prêt à reconquérir le royaume et réorganiser le pouvoir royal.
- 14 juillet 1429 : Charles VII est couronné dans la cathédrale de Reims, en présence de Jeanne d'Arc.
- 23 mai 1430 :Jeanne d'Arc, qui a joué un rôle décisif dans la libération d'Orléans un an plus tôt, est capturée par un mercenaire au service du duc de Bourgogne, Jean de Luxembourg, et vendue aux Anglais pour 10 000 livres.
- 9 janvier 1431 :Déférée devant le tribunal d'Inquisition de Rouen et accusée d'hérésie, Jeanne la Pucelle comparaît à Rouen devant un tribunal composé de 40 membres et présidé par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais. La première séance publique aura lieu le 21 février dans la chapelle royale du château de Rouen. Le 24 mai, Jeanne d'Arc abjurera et reconnaîtra ses péchés avant de se rétracter le 28. .
- 30 mai 1431 : Jeanne d'Arc est brûlée vive comme "relapse" (retombée dans l'hérésie, elle avait quitté l'habit masculin pour le prendre après) sur la place du Vieux-Marché, à Rouen (Haute-Normandie). Le bûcher étant trop haut, le bourreau ne peut étrangler Jeanne d'Arc avant que le feu ne l'atteigne...
Jeanne en paroles
« Vous sentez-vous en grâce de Dieu ?- Si je n'y suis, Dieu m'y mette...Si j'y suis, Dieu m'y garde. Je serais la plus dolente au monde, si je savais ne pas être en Sa grâce ! Quel aspect avait saint Michel, quand il vous apparut ? (…) Etait-il nu ? - Pensez-vous que Dieu n'ait pas de quoi le vêtir ?
Pourquoi (votre étendard) fut-il porté davantage, en l'église de Reims, au sacre, que ceux des autres capitaines ? - Il avait été à la peine, il était juste qu'il fût à l'honneur ! En nom Dieu, les hommes d'armes batailleront, et Dieu donnera la victoire.
Jésus, Jésus, Jésus, Jésus, Jésus, Jésus (sur le bûcher) »
Quelques compagnons de Jeanne
- Gilles de Montmorency-Laval dit Gilles de Rais (1404-1440) , Maréchal de France en 1429 aux armoiries dotées d’un accroissement d’honneur (Ajout de la bordure de France) : D'or à la croix de sable (de Retz), à la bordure d'azur semé de fleurs de lis d’or. Pendu et brûlé comme « hérétique, apostat, coupable d’horrible invocation des démons, de meurtres d’enfants et de crimes odieux ».
- Etienne de Vignolles dit La Hire (né vers 1390-1443) . Armoiries parlantes : « De sable à trois grappes de vigne d'argent posées 2 et 1, chaque grappe accompagnée d'une feuille ». Prière attribuée à La Hire :"Messire Dieu , faites pour Lahire tout ce que vous voudriez que Lahire fasse pour vous si Lahire était Dieu et si vous étiez Lahire".
- Jean Bâtard d’Orléans (1402-1468). "D’azur à trois fleurs de lys d’or chargé d’un lambel d’argent à trois pendants sur brisé d’une traverse de sable".
Réhabilitation et gloire posthume
Elles tiennent en assez peu de mots même s’il a fallu beaucoup de temps… 466 ans !
- 30 mai 1431 : Mort sur le bûcher à,l'issue d'un procés commencé en février;
- 7 juillet 1456 : Le verdict de condamnation est cassé (Pape Callixte III) À l'issue du procès de réhabilitation commencé en 1452
- 1881-1926 Constuction de la Basilique Sainte-Jeanne-d'Arc de Domrémy-la-Pucelle ( initialement dédiée à saint Michel, puisque Jeanne n'était pas béatifiée),
- 27 janvier 1894 : Jeanne est déclarée vénérable (Pape Léon XIII).
- 6 janvier 1904 : Décret proclamant l’héroïcité des vertus de Jeanne (Pape Pie X)
- 18 avril 1909 : Jeanne est proclamée bienheureuse (Pape Pie X).
- 9 mai 1920 : Jeanne d’Arc est canonisée (Pape Benoît XV).
- 10 juillet 1920: Loi instituant une fête nationale de Jeanne d'Arc (fête du patriotisme) : Journal officiel du 14 juillet 1920 p. 10 018
- 2 mars 1922 : Jeanne d’Arc est proclamée patronne secondaire, au même titre que sainte Thérèse de Lisieux, de la France (Pape Pie XI).
- Dans un genre très différent signalons enfin l’étonnante actualité de Jeanne d’Arc dans le manga d'Arina Tanemura, Kamikaze kaitou Jeanne où l’un des personnages ,la lycéenne de 16 ans Maron Kusakabe, a la faculté, aidée par un ange, de se réincarner en Jeanne d'Arc pour partir à la chasse aux démons infestant les œuvres d’art…
Le mythe de Jeanne d'Arc
Dès son vivant, Jeanne d’Arc est à la fois un mythe religieux et politique. Sainte pour les autres, manipulée par les factions Armagnac et Bourguignonne, Jeanne d’Arc sera même au centre d’un mouvement survivantiste à son décès.
Ainsi de nombreuses « fausses Jeanne » apparurent dans un contexte de traumatisme populaire qui favorisa les impostures. La plus célèbre fut Jeanne des Armoises, qui se fit passer pour Jeanne d’Arc entre 1434 et 1440 avant d’avouer qu’elle avait menti.
Voltaire en 1762 et 1775 va s’employer à démystifier Jeanne d’Arc et dénonce à la fois la crédulité populaire, l'intervention de la providence dans l'Histoire (jugée trop miraculeuse) et les dérives sectaire et religieuses.
Au XIXième siècle et entre 1900 et 1920, Jeanne d’Arc est reprise par toutes les idéologies aussi bien de gauche que de droite (Michelet, Anatole France, Jean Jaurès..) . L’église catholique ne sera pas en reste non plus. En 1869, Monseigneur Félix Dupanloup, évêque monarchiste d'Orléans met en route le processus de canonisation afin de faire de Jeanne d'Arc un symbole de la chrétienté,qui a lutté pour sa foi et sa patrie. Après un demi-siècle de procédure (2 novembre 1874-16 mai 1920), interrompue un moment par la première guerre mondiale , l’église catholique permet de déclarer Jeanne d’Arc,sainte. l'Église catholique cannonise Jeanne d’Arc, qui fut condamnée par un tribunal ecclésiastique puis réhabilitée quelques années après sa mort. Dans une époque où la France renoue avec son anglopobie latente, Jeanne d’Arc apparaît comme un porte- étandard évident.
Le Parlement « dit de la Chambre bleue » adoptera le 24 juin 1920 le projet du député (et écrivain) Maurice Barrès qui institue une fête nationale en l’honneur de Jeanne d'Arc.
Les ligues d’extrême droite et monarchiste notamment (Action française) s’emparent de la figure de Jeanne d’Arc . L’affaire Thalamas en 1904 est le symbole de la passion qui s‘est installée autour de Jeanne d’Arc. Le paroxysme de l’utilisation de la sainte interviendra sous le régime de Vichy avant que la Libération ne fasse retomber cette ferveur Le 8 mai 1929, pour le 500e anniversaire de la libération d’Orléans, l'Église catholique organise une vaste célébration religieuse avec la présence du Président de la République de confession protestante. Gaston Doumergue. Un événement quand on sait les cristallisations des esprits lors de la séparation de l'Église et de l'État de 1905. Ce geste, comme la sortie du film La merveilleuse vie de Jeanne d'Arc le 12 mai 1929, est vivement critiquée par le Parti communiste français. (depuis cet anniversaire, tous les présidents de la République participent aux fêtes johanniques.
Lors de la guerre d’Espagne, 500 volontaires français dont la majorité est monarchiste), belges et suisses s’engagent au côté du Général Franco sous « la bannière de Jeanne d’Arc » (ou Phalange Jeanne d'Arc ou Bandera Juana de Arco). Un échec d’ailleurs car tous seront redéployés au sein des brigades franquistes.
Il faudra attendre 1972 avec la naissance du Front National pour que la Sainte redevienne un symbole.
En 2007, les écrivains Marcel Gay et Roger Senzig publient un livre appelé "L'affaire Jeanne d'Arc" dans lequel ils proposent une relecture de sa biographie. Selon eux, Jeanne serait de sang noble, née bâtarde des amours clandestins d'Isabeau de Bavière et du Duc d'Orléans et de plus elle ne serait pas morte brûlée vive à Rouen.
En 2012, la République française a organisé les festivités du 600ieme anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc. Les monarchistes continuent également de célébrer la Sainte Jeanne d’Arc tous les ans.
Lien interne
Liens externes
- [1] : Huit opus vidéos d'Henri Guillemain d'une trentaine de minutes chacun.
- [2] : D’après « Jeanne d’Arc. Sa vocation, sa mission, sa mort », paru en 1866.
- [3] : Sur la nationalité de Jeanne d'Arc
- [4]: La basilique du Bois-Chenu témoigne des voies de Jeanne.
- [5]: Les compagnons d’armes de Jeanne d’Arc.
- [6] : Lorsque Jeanne parlait.
- [7] : Comment réhabiliter une "sorcière"?
- [8] : Le centre Jeanne d'Arc à Orléans.
- [9] : Litanies de sainte Jeanne d'Arc.
- [10] ; Cantate" à l'etendard"
- [11] : Texte de la loi du 10 juillet 1920.
- [12] : Association universelle des amis de Jeanne d'Arc
- [13] : Association des villes johanniques : Les routes de Jeanne d'Arc.
- [14] : Bibliothêque, Vidéothéque, Bibliographie, Liens.
- [15] : Chronologie des événements sous Jeanne d'Arc
- [16] : Histoire de Jeanne d'Arc
- [17]: Discours d'André Malraux à Rouen le 31 mai 1964.
- [18] : L'oeuvre de Charles Maurras sur sainte Jeanne d'Arc
- [19] : Chronologie expliquée de Jeanne d'Arc
- [20]: Vidéo You tube sur la vie de Jeanne d'Arc (Fr.)
- [21] : Vidéo you tube : Jeanne d'Arc, femme providentielle - L'ombre d'un doute
- [22] :Polémique autour de la figure de Jeanne d'Arc
- [23]:La bannière de Jeanne d'Arc
- [24]: Sacre de Charles VII
- [25]: Controverse sur Jeanne d'Arc