Jeunesse Royaliste

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Jeunesse royaliste

Mouvement monarchiste fondé sous le patronage de Philippe VIII de Bourbon- Orléans le 5 mai 1888 et qui cessa d’exister le 25 Janvier 1901.Caractérisé par son idéologie chrétienne sociale, son antisémitisme et son anti parlementarisme, IL FUT dirigé par le journaliste Paul Bézine (1861-1928), l'avocat Eugène Godefroy qui se disait « royaliste de raison » et par Roger Lambelin (1857-1929), Jeunesse royaliste revendiqua 36000 adhérents actifs tout au long de son existence, regroupant à la fois orléanistes (majoritaires) et légitimistes (minoritaires).

Création des Jeunesses royalistes

Avec l’échec de la restauration et de la fusion en 1873, la mort du comte de Chambord 10 ans plus tard laisse un royalisme en question. L’absence de toutes actions politiques concrètes des princes de la légitimité, les appels au ralliement des catholiques à la république par le Pape Léon XIII permettent à la maison d’Orléans d‘occuper le terrain des prétentions au trône et qui s’incarne en la personne de Philippe VII, comte de Paris puis de son fils Philippe VIII, duc d’Orléans.

Philippe VIII, duc d'Orléans

«Fallait-il donc créer un parti conservateur sans appartenance confessionnelle explicite, un parti démocrate-chrétien ou un parti militant de défense catholique ? » alors que le royalisme entre dans une certaine léthargie et a perdu sa majorité parlementaire. La question était posée par le prétendant lui-même. Des éléments issus de la génération du duc d’Orléans refusent les atermoiements d’une partie de la noblesse qui rejette tout principe de suffrage universel ni les changements sociaux qui s’opèrent en France. Et c’est le lillois Roger Lambelin qui va insuffler au royalisme son nouveau souffle de vie. Depuis 1882, différents petits groupes revendiquaient, sans s’opposer, le titre de Jeunesse royaliste. A Paris, le groupe Jeunesse royaliste avait été créé en 1887 et allait se faire remarquer en aidant le dauphin Philippe d’Orléans lors de sa vaine équipée en France alors qu’il tente de se faire incorporer dans l’armée. Ou encore en faisant le coup de poing sur le Pont-neuf.

Alors qu’en 1893, le Parlement comptait encore 53 royalistes élus (soit aux législatives de septembre 1893 un score de 1 000 381 voix soit 10% des votants) sur 571 élus, Lambelin va alors s’employer à unifier tous ces mouvements. Le 8 mai 1893, jour de la Saint-Philippe, il annonce la création de la Fédération de la Jeunesse Royaliste qui réunit sous son nom différentes cellules monarchistes. Notamment présentes dans le Sud méridional (Bordeaux, Toulouse, Marseille, Montpellier et Sète) qui fournira le plus gros contingent de partisans de la monarchie (en 1892, une enquête préfectorale recense 118 communes jugées réactionnaires sur 338). Il va au-delà des clivages dynastiques puisque le très légitimiste général de Charette place l’assemblée sous l’union de la croix et de la cocarde blanche, lors de l’inauguration du mouvement tandis que Lambelin lit une dépêche du comte de Paris, Philippe VII : « Vous représentez deux forces, la jeunesse et le travail »

But de Jeunesse royaliste

Lorsqu'il co-fonde les Jeunesses royalistes, Eugène Godefroy insiste que le fait que c'est la réflexion, le raisonnement, , l'étude critique des événements (notamment la défaite de Sedan en 1870) et des institutions qui l'ont amené au royalisme. il théorise alors la notion de patriotisme que les deux tendances royalistes opposées défendent l'une et l'autre. "je suis royaliste parce que je suis patriote" est un credo que l'on retrouvera plus tard chez l'Action française. Godefroy voit d'abord la monarchie comme un moyen d'assurer le salut et la permanence de la nation, de relier les générations entre elles et de permettre l'exercice des libertés publiques en particulier locales. Jeunesse royaliste ne rejette pas toute activité ou représentation parlementaire mais souhaite qu'elle soit ordonnée et milite pour la prépondérance de l’exécutif, d'un exécutif actif sur le plan politique (une formule reprise sous la ... Vème république).

Roger Lambelin

Roger Lambelin (1857-1929) est né à Laval dans une vieille famille de propriétaires terriens lillois et adhère rapidement aux cercles catholiques ouvriers (1872) avant d'intègrer l’école militaire de Saint-Cyr. Il y fréquentera de futurs noms de l’histoire de France comme Philippe Pétain, Charles de Foucauld ou encore le marquis et duelliste Antoine de Morès (1856-1896), fondateur de la ligue antisémitique de France. Il gagne ses galons au Tonkin mais démissionne de l’armée en 1888. Fréquentant des revues littéraires, il entre rapidement en politique et se fait élire conseiller municipal de Paris en 1894. Poste qu’il occupera jusqu’en 1912. Pour lui, il s’agit de donner une nouvelle tonalité au royalisme et séparer le monarchisme des ligues d’extrême-droite en redonnant à celui-ci sa pleine indépendance. Le rejet du parlementarisme est clairement exprimé mais il reconnaît la nécessité de passer par les urnes afin de se faire entendre.

Roger Lambelin

Le mouvement Jeunesse royaliste

Le Midi va devenir le terreau de prédilection de cette avant-garde royaliste. Charles de Cadolle (Vice-président de Jeunesse royaliste) et André Vincent (1871-1935), deux animateurs départementaux déclarent : «Lorsque nous sommes entrés dans la vie politique, nous n’étions pas liés par notre passé, nous pouvions courtiser l’opinion ou solliciter le pouvoir, nous pouvions écouter des voix respectées qui nous disaient : II faut que le parti royaliste disparaisse jeunes gens au nom de la religion et de la liberté, entrez dans la République, ralliez-vous aux institutions de votre pays ! Et bien nous n’avons pas voulu être des ralliés, nous n’avons pas voulu être des nationalistes, nous sommes restés des royalistes ».

Encore peu connu, c’est un jeune Charles Maurras qui s’enthousiasme pour cette initiative qui, tout en s’associant aux violentes manifestations anti-dreyfus, veut se « différencier du nationalisme ligueur et marquer son rejet de la politique du Ralliement ». André Vincent entend rassembler aussi bien partisans de la Légitimité que ceux des Orléans et selon les préceptes de François de Ramel, député monarchiste du Gard, « pénétrer au fond même des masses afin de faire connaître l’esprit de la monarchie », « réactiver la foi royaliste pour asseoir l’ossature du mouvement ». Le futur chantre de l’Action française témoignera en 1940 de son enthousiasme en présentant le mouvement comme «  une entreprise de refondation de la société française ». Habile orateur, André Vincent (qui va bientôt devenir le délégué du duc d’Orléans en France) arrive à rassembler sous le même drapeau royaliste, les deux tendances qui s’opposent dans le Midi. Dans ses discours, il « prône la limitation de la durée du travail, la fixation un salaire minimum extension de la capacité civile des syndicats, la création de conseils permanents de conciliation et arbitrage composés de patrons et ouvriers… ». Dans la foulée, il fonde en 1899 « Le Réveil du midi » conscient de l’importance des médias dans le pays (« la priorité absolue des monarchistes, c’est à-dire la propagande outrance pour faire entrer idée de royauté dans esprit des masses »). Le nombre d’adhérents va tripler entre 1895 et 1898.

Charles Maurras en 1888

La rue passe sous le contrôle des royalistes qui cristallisent alors les passions. Les légitimistes ont rallié cet orléaniste convaincu. Il a des complicités dans la Ligue des patriotes et dans celle des antisémites, le principal archevêque de Montpellier, Mgr de Cabrières lui apporte son soutien. Bien suffisant aux légitimistes pour soutenir ce mouvement qui pourtant s’annonce majoritairement orléaniste dès sa création. D’ailleurs les Orléans ne cachent pas leur satisfaction de voir ce mouvement prendre de l’ampleur rapidement comme en témoigne le message du comte de Paris en 1894 : «J'attache, en effet, une grande importance au développement de ces groupes qui sont une des manifestations les plus éclatantes de la vitalité de votre parti et auxquels je suis particulièrement heureux de voir associer mon fils aîné. Je n'ai pas à vous rappeler que Monsieur d'Haussonville a été constamment auprès de vous l'interprète de cette pensée. La fermeté avec laquelle vous affirmez vos convictions politiques est la meilleure réponse à ceux qui osent dire que l'esprit monarchique est mort en France. La jeunesse ne s'attache pas à ce qui est mort, car elle représente la vie et l'avenir. J'approuve bien cordialement votre dessein de vous associer aux fêtes qui s'organisent en France pour célébrer le premier acte de la canonisation de Jeanne d'Arc, votre place est marquée dans ces fêtes. La mémoire de la grande libératrice appartient à tous les Français ; elle doit les réunir dans une pensée commune de patriotisme. Mais il ne faut pas permettre que sa mission naturelle soit dépouillée par l'esprit de parti, du caractère catholique et royaliste qu'elle même lui attribuait».

En 1895, les Jeunesses royalistes sont représentées dans 26 départements (celle du Pas-de calais est particulièrement citée en exemple avec à sa tête le baron René de France) auxquels vont s’ajouter en 1898, 18 groupes parisiens, 34 associations et 30 000 adhérents. La plupart des cadres sont issus de l’union monarchiste de la conférence Molé-Tocqueville, fondée en 1882 afin de lutter contre toutes idées plébiscitaires au sein du royalisme et qui se réclamait de l’avocat Berryer. Lambelin s’adjoint alors 2 co-directeurs avec les avocats Paul Bézine, Eugène Godefroy, suppléés pendant son arrestation par Pierre Bertin. Ce dernier semble assez représentatif d'une nouvelle génération puisqu'il avoue : «Je ne suis pas royaliste de sentiment ni royaliste de tradition» et se dit «royaliste de raison». Enfin rapidement voient le jour, une association d’étudiants royalistes (dont le slogan sera : « Venez à nous et nous irons au peuple ! ») acquis aux thèses antisémites et des groupes ouvriers monarchistes qui vont concurrencer les cercles (des Ralliés) ouvriers catholiques au sein des usines. Le 16 février 1899 à San-Remo, deux cents paysans et ouvriers représentants trente villages de l’Hérault étaient venus à la rencontre d’André Vincent témoigner leur foi monarchiste. Politique, monarchiste et sociale, Jeunesse royaliste a conquis le monde agricole.

Jeunesse royaliste s’associe au cercle de l’Oeillet blanc, comité de central de propagande royale, et participe à toutes les commémorations. Dans l’enthousiasme général,« Le comte d'Haussonville demande «que partout où il y a une loge maçonnique, se fonde un groupe de la Jeunesse Royaliste» ». Tout en luttant contre le jeu parlementaire, Jeunesse royaliste commence à l’infiltrer et regrette amèrement l’apathie de cette noblesse qui défend peu la cause de la monarchie. Le groupe royaliste rassemble alors sous son aile toutes les couches de la société. Lors de de la dispute qui opposera en 1896 le duc d’Orléans à son comité consultatif, la Jeunesse royaliste se place derrière le prétendant au trône lorsque celui-ci avance son soutien au retour de la monarchie par référendum. Philippe VIII déclare alors : « il faut cependant choisir entre figurer la monarchie ou la faire .. ce n’est point le principe qui ramènera le prince mais le prince qui ramènera le principe » et de dénoncer une « absurde légende d’une prétendue incompatibilité entre le droit monarchique et le droit électif ».


L’affaire Dreyfus divise profondément les royalistes qui continuent de manifester quotidiennement à Paris. Philippe VIII écrit à ses partisans et leur demande : « de travailler au triomphe des idées d'ordre, de conservation sociale et de liberté .. . la France ne retrouvera qu'avec la monarchie constitutionnelle et libérale, la prospérité et la grandeur dont elle a joui sous la Restauration et sous le gouvernement de Louis-Philippe mon aïeul »

L’omniprésence du prince dans les affaires de Jeunesse royaliste va être mal perçue par les tenants du conservatisme des 2 tendances. Le 25 décembre 1897, le journal monarchiste «  La gazette de France » publie un titre évocateur «on a trompé le roi» contresigné par de Charette, Mayol de Lupé ou encore de La Tour du Pin qui rappellent au prétendant les paroles du comte de Chambord : «ma personne n’est rien, mon principe est tout». Cette crise politico dynastique n’entame en rien la dynamique du mouvement qui, rappelant son attachement au principe de monarchie traditionnelle et du droit Historique, se range une nouvelle fois derrière le duc d’Orléans. Le mouvement se veut large et s'adresse à tous du moment que cela sert la cause monarchique. Ainsi dans son discours en mai 1897, Eugène Godefroy s'adresse "aux césariens", aux catholiques mais aussi aux socialistes. Son argument est que la monarchie est seul le régime capable d'audace sociale et capable de répondre aux attentes ouvrières

Lors du congrès de Blois en février 1898, on évoque une nouvelle fois la possibilité d’une fusion dynastique mais modernistes et traditionalistes vont de nouveau s’opposer y compris sur la stratégie électorale qui va diviser eux-mêmes Lambelin et Godefroy. Ce dernier se plaçant en faveur d’une monarchie populaire. En 1899, on pense à soutenir l’hypothèse d’un coup de force après les élections de mai 1898 qui avaient encore renvoyé sur les bancs du Parlement 44 monarchistes (887 759 voix soit 9% des votants). Sous le titre « l’Action royaliste », Jeunesse royaliste réclame l’intervention de l’armée afin d’en finir avec cette république soutenu par de nombreux messages du duc d’Orléans. Appelant au rassemblement des nationalistes sous le drapeau royal, « (…). Ces royalistes qui s’ignorent» selon Lambelin qui rejoint la maxime écrite par Philippe VIII : « tout ce qui est national est nôtre ! ».

La Panache, journal royaliste

Un danger pour la République

Le gouvernement de Waldeck-Rousseau s’inquiète de la montée en puissance du mouvement royaliste et «décide employer la manière forte pour protéger le régime en ordonnant la dissolution de toutes les structures à l’origine de troubles répétés. Le gouvernement du bloc républicain classe la Jeunesse royaliste parmi « les associations illicites issues principalement de la fièvre ligueuse ». Le 4 janvier 1900, l’interdiction est proclamée.

Les dirigeants tous les échelons sont jugés et des perquisitions déstabilisent les sections locales.Le 25 janvier, presque décapité, Jeunesse royaliste est poussée à fusionner avec le comité central royaliste que préside Philippe VIII. Un semblant de bureau restera actif jusqu’en 1902.

Le préfet de l’Hérault envoie alors un rapport à son ministre de tutelle et déclare : « Je crains écrit-il en mars 1900 que le procès subi par la Jeunesse royaliste ait aucunement brisé l’agitation royaliste et qu’elle ne renaisse sous une autre forme ». Ce sera l’Action française qui reprendra tout le travail laissé en héritage par Jeunesse royaliste, des slogans aux méthodes. Le journal radical « La Dépêche » fera le même constat : « La condamnation prononcée contre les présidents des groupes royalistes et la dissolution de ces mêmes groupes ordonnée par le tribunal correctionnel aura rien changé la situation des royalistes qui s’entendent à merveille pour continuer en cachette leur active propagande. Aux républicains de veiller .Pour eux la nécessité de s’unir est impérieuse car bientôt les royalistes bon teint marcheront au combat groupés et unis avec tous les autres ennemis de la République nationaliste »

En mai 1902, les derniers députés royalistes s’étaient fondus dans des listes conservatrices ou de Droite telle que l’Action libérale (1901-1919, formés de catholiques royalistes ralliés (d’où leur surnom) à la République). Le comte Albert de Mun (1841-1914) en fut le principal leader et le marquis de l’Estourbeillon (1858-1946) une personnalité marquante du mouvement qui envoya 80 députés au Parlement en 1902.

Les derniers soubresauts de Jeunesse royaliste

André Vincent sera candidat en 1906 lors des élections législatives la demande duc d’Orléans dans l’arrondissement Arles Bouches-du-Rhône. Mais, il échoue au second tour en recueillant 7213 voix face au candidat du parti radical. Roger Lambelin rejoindra l’Action française (ce qui lui vaudra un refus d’obsèques religieuses) qu’il voit comme la continuité logique de Jeunesse royaliste et présidera le bureau politique du duc d’Orléans de 1909 à 1912. Mobilisé comme officier lors de la première guerre mondiale, il se consacrera à la rédaction d’ouvrages antisémites par la suite. Eugène Godefroy sera un candidat malheureux aux élections de 1902 à Croix-rousse. Il subsistera un bloc royaliste au sénat (principalement issus de l’Ouest) jusqu’en 1914 mais c’est au Parlement que le nombre de députés commence à chuter drastiquement avec à peine 60 monarchistes dès 1893 et divisés tant sur le plan idéologique que sur l’attitude à adopter. De 44 en 1898, ils ne seront plus qu’une quinzaine en 1914. Encore qu’ils ne mentionnaient pas cette étiquette mais «seulement leurs opinions bien connues ».

Jeunesse royaliste, un nouveau chapitre ?

bannière du mouvement Jeunesse royaliste

En avril 2016, l'l'Alliance royale jeune a décidé de se rebaptiser du nom du mouvement monarchiste. il a été brièvement dirigé par l'un des plus jeunes élus conseiller municipaux de France, qui entendait placer son mouvement-jeune dans le XXIème siècle débarrassé de son image trop conservatrice et tenter de rassembler les jeunes royalistes sous l'étendard de l'unité dynastique.

Bibliographies

  • Eugène Godefroy. Quelques années de politique royaliste, du ralliement à la Haute-Cour, 1892-1899, édition Librairie nationale, 1900.
  • Réunion d'études de la jeunesse royaliste de Paris (édition de 1896, rééditée en 2013 par Hachette)
  • Jeunesse royaliste de Paris. Compte-rendu des travaux de la commission préparatoire au congrès général des associations de jeunesse royaliste en 1894, Paris, Imprimerie G. Piquoin, 1894

Liens externes

  • [1] : Historique de Jeunesse royaliste
  • [2] : Chant de Jeunesse royaliste
  • [3] : Jeunesse royaliste dans le Midi
  • [4] : Mouvement de l'Alliance royale Jeune rebaptisé Jeunesse royalistes (2016)