Dom Manuel II
Manuel II Fils cadet de Dom Carlos Ier et de la Reine Amélie d’Orléans, Manuel Maria Filipe Carlos Amélio Luís Miguel Rafael Gabriel Gonzaga Francisco de Assis Eugénio de Bragance fut le dernier souverain du Portugal de 1908 à 1910. 7 mois après sa naissance, son père accédait au trône du Portugal et il fut baptisé sous les yeux de Dom Pedro II, Empereur du Brésil.
Titré Duc de Beira à sa naissance le 15 novembre 1889, son éducation fut celle d’un prince qui ne devait pas monter sur le trône. Dans une classe de jeunes aristocrates choisis pour le fréquenter, il apprit tour à tour le latin, le français, l’anglais, se passionna pour la littérature. En 1903, il fit son premier voyage à bord du yacht « Amélia » avec sa mère et son frère aîné Louis- Philippe en Egypte où le prince découvrira une curiosité fascinante pour l’archéologie et les voyages. En 1907, il entra à l’académie navale de Lisbonne où il avait décidé de se destiner pour une carrière d’officier de la Marine.
Le 1er février 1908, les républicains Alfredo Costa (instituteur) and Manuel Buiça vont en décider autrement. Alors qu’il se promène en calèche découverte, les deux anarchistes font feu sur la calèche royale. Le Roi est mortellement touché ainsi que son fils Louis- Philippe, héritier du trône. Dans une réaction de sauvegarde, la Reine Amélie d’Orléans écrase son bouquet de fleurs sur le visage de l’assassin surpris sauvant ainsi son fils cadet d’une mort certaine, blessé au bras. Il est difficile de dire si les deux assassins visaient réellement la famille royale ou le Premier ministre João Franco qui venait de dissoudre le parlement pour installer un régime autoritaire. 20 minutes plus tard, Le Prince Louis-Philippe décédait de ses blessures. Manuel est proclamé Roi du Portugal et des Algraves, second du nom, le bras en écharpe devant les dépouilles de son frère et de son père.
A peine installé, peu préparé à ce rôle de souverain dans un pays tiraillé politiquement, il décide de démettre João Franco de son poste de Premier ministre. Le Roi est jeune, espoir de tout un pays qui se divise lentement. Un gouvernement d’union nationale est installé mais fragilisé par un Parti Républicain qui commence à s’implanter dans les campagnes et parmi les classes populaires. Le Roi convoque l’assemblée de la Cour Royale et députés du Parlement et dans un premier discours annonce qu’il restaure la constitution abolie et que si il demeure un roi régnant, il ne gouvernera pas.
De novembre à décembre 1908, il visite le Portugal avec sa mère et reçoit un accueil chaleureux des populations émues par les circonstances de son arrivée au pouvoir. Les Républicains déclarent lors d’une de ses visites par la voie du journaliste João Chagas, : « Votre altesse arrive bien jeune dans un monde bien vieux ! » . Le Roi devra affronter quelques manifestations républicaines mais le Portugal lui demeure fidèle en cette fin d’année 1908.
La question sociale (Questão Social ) de son pays est justement au centre des préoccupations du Roi. Afin de répondre aux attentes de son peuple, Manuel II convoque au Portugal, le sociologue Léon Poinsard afin qu’il voyage dans tout le pays et rende un rapport avec des réponses aux problèmes. Le clientélisme et la corruption gangrène la monarchie. Le Parti socialiste (crée en 1875) et le Parti Républicain tentent de s’approprier le terrain social.
Léon Poinsard proposera un mode de gouvernement à rotation et la réorganisation des administrations Enthousiaste, le souverain écrit en juin 1909 à son gouvernement pour qu’il se rapproche du Parti socialiste afin que celui-ci collabore avec la monarchie. Le gouvernement d’union nationale ainsi élargi trouverait selon le Roi une meilleure assise populaire. Un Institut du Travail National fut créé mais si le congrès national fut boycotté par les Républicains et les anarchistes, malgré quelques points de vus opposés les socialistes acceptèrent de collaborer avec le gouvernement. Malheureusement le peu de moyen mis à leur disposition ne permit pas à l’Institut National du Travail de mettre en place les réformes nécessaires à la survie de la monarchie.
Entre 1909 et octobre 1910, 7 gouvernements se succédèrent en 24 mois contribuant à renforcer l’instabilité du royaume pendant que le Parti Républicain gagnait en popularité .Le 24 août 1910 lors des élections générales, le Parti Républicain envoya 14 députés au parlement soit 9% de l’hémicycle portugais. Le gouvernement royal contrôlait encore 58% du parlement laissant 33% à son opposition officielle.
Les rumeurs de coup d’état secouaient fortement Lisbonne et dans la nuit du 4 au 5 octobre 1910, les Républicains investissent les rues de la capitale aidé de la Marine soulevée alors que le Président brésilien est en visite officielle. Manuel II refuse de quitter le Palais de la Necessidades mais manque cruellement de troupes. La plupart des casernes sont vides, les soldats étant en permission. Mais quand le Palais se retrouve sous les bombes, Manuel Ii est contraint de se réfugier au Palais national de Mafra où se trouvent déjà la Reine Amélie d’Orléans et sa belle-mère la Reine douairière Maria-Pia de Savoie.
Curieusement, le soulèvement républicain est un échec. La proclamation de la République à Lisbonne ne jette pas dans la rue la population qui ne soutient pas forcément ce putsch autant que les militaires sont divisés. Un amiral qui a rejoint les républicains se suicide même croyant la défaite de ses amis. Manuel II n’arrive pas à cependant retourner la situation à son avantage et s’embarque sur le Yacht « Amelia IV » avec sa famille depuis Oporto. Lancés à sa poursuite, les Républicains constatent que le souverain a quitté le pays pour Gibraltar.
Le début de l’exil pour le souverain dont les journaux vont relater chaque jour son quotidien et déjà sa relation avec l’actrice Gaby Deslys (). Relation commencée en juillet 1909 où la jeune femme avait ses entrées à la vue de tout le monde au palais royal. En exil, le Roi continue cette relation jusqu’en 1911. Puis durant le Printemps 1912, en Suisse, il rencontre la Princesse Augusta- Victoria de Honhenzollern-Sigmaringen (1890-1966) qu’il épouse le 4 septembre 1913.
Au Portugal, la nouvelle République ne répond pas aux attentes des portugais et les monarchistes se sont réorganisés dans divers mouvements dont l’Intégralisme Lusitanien. Depuis sa résidence londonienne de Fulwell Park, à Twickenham. En 1911 et 1912, les monarchistes (rassemblés au sein de la Cause monarchique) tentent de reprendre depuis la frontière espagnole le pouvoir par un coup d’état mais c’est un échec. Et cela malgré le soutien avéré du Roi Alphonse XIII et les moyens financiers limités du Roi Manuel II.
L’inaction de Manuel II a plongé les monarchistes dans l’incertitude et certains décident désormais de soutenir le prétendant migueliste, Miguel II ( et plus tard Dom Duarte II Nuno) représenté par le Parti légitimiste. Les deux branches sont rivales depuis la destitution de Miguel Ier en 1838. D’autant que durant la première guerre mondiale, le souverain avait reçu des délégations de républicains dans son lieu d’exil et demané à ses partisans de ne plus continuer à tenter leurs efforts de restaurer la monarchie. Si le souverain agit par patriotisme, il déçoit ses partisans par ses déclarations et qui espèrent la victoire de l’Allemagne qui permettra la restauration de la monarchie. Manuel II tente de se rendre utile auprès des alliés mais il sera affecté à un poste au sein de la Croix Rouge. Il craint que l’Espagne ne profite de l’anarchie au Portugal pour annexer le pays.
Il sera peu écouté. Le 20 octobre 1914, les monarchistes tentent de créer un état d’anarchie dans la capitale mais c’est de nouveau un échec en demi- teinte. Car c’entre mai et avril 1915, 55 délégations monarchistes sont ouvertes. C’était « La monarchie du Nord » (Monarquia do Norte) que l’on préparait faisant craindre aux républicains une contre-révolution.
Des négociations sont néanmoins entamées avec les représentants miguelistes afin de mettre fin au schisme dynastique. Le 30 janvier 1912, le pacte de Douvres confirme que Manuel Ii est le Roi légitime et que le prétendant miguéliste est issu d’une branche cadette. Mais si les deux prétendants s’accordent sur le fait qu’il faille déstabiliser la République, les règles de succession ne sont pas pourtant définies. A Paris, les deux camps se rencontrent encore mais c’est un échec Mais en janvier 1919, la situation est différente. Le pays est divisé. A Porto, les monarchistes se sont emparés de la ville et contrôlent le Nord du pays (grâce à un vétéran des guerres d’Afrique, Henrique Mitchell de Paiva Couceiro), Ils ont proclamé la monarchie et restaurer Manuel II dans ses droits. Un gouvernement provisoire est formé à Minho, Tràs-os-Montes (exception faîte de la ville de Chaves), Mirandela et Vila Real. Pourtant contrairement à toutes attentes, la majorité de la population ne bougera pas en faveur des monarchistes.
L’attentisme du souverain et la reprise du terrain par les Républicains à Lisbonne font échouer cette tentative éphémère de restauration de la monarchie qui se termine le 13 février avec la chute de Porto. Manuel II apprendra la fin de la restauration de la monarchie par … les journaux. En Avril 1922, le pacte de Paris met fin au schisme dynastique. Le souverain reste sans enfants et c’est donc le prétendant migueliste qui lui succèdera, étant le plus proche héritier de la dynastie Bragance dont l’un et l’autre porte le titre de Duc.
Manuel II décède brutalement le 2 juillet 1932. La veille, il jouait en bonne santé au tennis. Sa mort assez rapide entraîna des rumeurs d’assassinat (par des républicains ou des miguelistes).
La république d’Antonio Salazar, jugée comme favorable aux monarchistes, autorisa le retour de la dépouille du souverain et celui des membres de la famille royale.