La révolution du 14 juillet
La révolution du 14 juillet (ou Révolution du 14 Tammouz)
La chute de la monarchie irakienne survient dans un contexte exacerbé de nationalisme et de crise économique. Les pouvoirs du Premier ministre Kurde Nouri Al Saïd et du Prince Abdallah sont contestés par la rue qui persifle au passage de leur limousine, le quolibet de «khayen» (traître). Le duo politique n’avait que le soutien du gouvernement Britannique qui lui avait dépêché plusieurs conseillers financiers pour la gestion des revenus issus de l’Iraqi Petroleum Company. Les irakiens avaient très mal accueilli cette présence d’occidentaux au Palais de Bagdad.
Principalement composés d’officiers sunnites, les Officiers libres qui menèrent la révolution du 14 juillet étaient issus d’une génération qui avait participé à la chute de la monarchie du Roi Farouk Ier d’Egypte en 1952. Le nationalisme pan-arabe était largement répandu dans les écoles militaires du pays. Depuis début juillet, des manifestations violentes avaient éclaté dans tout le pays. L’Ambassade du Royaume- Uni avait même été incendiée.
Dirigés par le Colonel Abdel Salam Arif et le Brigadier- Général Abd El Karim Kassem, les Officiers Libres (incluant dans un rôle mineur un certain Saddam Hussein, futur Président de l’Irak de 1979 à 2003) s’assurèrent du soutien de Égypte de Gamal Nasser mais si ce dernier leur donna une caution morale, aucune aide militaire ne leur fut fournie par la République d’Egypte. La dispersion des troupes irakiennes à travers toute la Fédération arabe d’Irak et Jordanie permit aux Officiers libres de perpétrer le coup d’état qui allait mettre fin à la jeune monarchie irakienne.
En ordonnant le 13 juillet 1958 la mobilisation des 10ièmes et 20ièmes Brigades, le Roi et son oncle, le Prince Abdallah ignoraient qu’ils avaient signés l’acte de décès de la monarchie. Faysal II, vit depuis son enfance au Palais Al Rahab de Bagdad. Le palais royal n’a rien d’un palais de conte de fée. Il s’agit plutôt d’une grosse maison bourgeoise au bord du Tigre sous l’œil omniprésent du Roi Ghazi. Faysal rêve de sa fiancée, la Princesse Sabiha Fazila d’Egypte, 16 ans, qui termine ses études à Londres avant de le rejoindre dans quelques semaines.
Le 14 juillet, aux premières heures du matin (5heures), la 20ième Brigade de la 3ième division armée irakienne commandée par le Colonel Abdel Salam Arif pénètre dans la ville de Bagdad tandis que la 19ième Brigade du Brigadier- Général Abd El Karim Kassem restait en réserve aux abords de la capitale. Après la prise de la Radio, le Colonel Arif annonce que l’armée met fin au « vieux régime », proclame la République et dénonce l’impérialisme croissant en Irak. Rapidement deux détachements se dirigent vers le Palais Al Rahab de Bagdad et la résidence du Premier ministre Nouri Al Saïd (en fuite). Des bombes et roquettes explosent dans le parc, le Roi, épouvanté et réfugié dans la cuisine du Palais, est incapable de prendre une décision. Un début d’incendie, provoqué par les bombardements, ravage la salle des gardes. Le Régent Abdallah à son arme à la main. Sa résidence à été attaquée et pillée. Il pense pouvoir négocier sa vie et celle de son neveu comme Farouk Ier d’Egypte en 1952.
Faysal II ordonne que la Garde Royale commandée par Taha Al Barmani ne fasse aucune résistance et le Régent annonce que le souverain est disposé à abdiquer.
Vers 8 heures du matin, le Roi Faysal II, sa mère la Reine Nafisa ,la Princesse Niyam (épouse du Régent Abdallah),le Régent, la tante du Roi, la Princesse Abadiya, des domestiques sont sortis du palais royal et mit face à un mur par un détachement commandé par le Capitaine Abdoul Sattar Al-Sabaa Obousi. Là une rafale de mitrailleuse (28 balles) met fin dans le sang à la monarchie irakienne. La Princesse Hiyam, blessée se traine péniblement derrière un buisson pour se cacher dans la salle des gardes. Le Régent touché au dos, meurt mort sur le coup, tandis que le Roi blessé (à la tête et à la nuque) est achevé.
Les corps du souverain et du Régent sont mis à l’arrière de la jeep. Reconnu, le corps du Régent sera jeté à terre par une foule en colère, mutilé, arrosé d’essence et jeté dans le Tigre. Celui du Roi sera enterré dans un fossé des jardins militaires de l’hôpital.
Installé au Ministère de la Défense, Kassem offre une récompense pour la capture du Premier ministre Nouri Al Saïd qui a fuit sa résidence en pyjama après l’attaque de celle-ci. C’est le 15 juillet, déguisée en femme, qu’il est reconnu, capturé et exécuté sur le champ. Son fils qui vient chercher le corps de son père sera même abattu. Loin d’être calmée, la foule en colère se dirige vers le palais royal où sont encore les corps de la famille royale. Le corps du Régent Abdallah est mutilé, traîné dans les rues de Bagdad et pendu devant le Ministre de la Défense.
Pendant ce temps, à la radio et dès les premières heures du coup d’état, la Marseillaise tournait en boucle. La Radio répétait sans cesse : « Ici la République d'Irak. C'est votre jour de victoire et de gloire. L'ennemi de Dieu et son maître ont été tués et gisent dans la rue ». Pourtant à 5 heures, le Roi n’avait pas encore été assassiné…
Les statues du général anglais Maude, qui occupa Bagdad en 1917, et du roi Faysal Ier sont déboulonnées par une population qui a finalement bien accueilli la chute de la monarchie
L’Irak s’installa dans une longue instabilité politique jusqu’à l’arrivée au pouvoir par un coup d’état du Parti Baas en 1963. Des Marines américains avaient été envoyés à Beyrouth (Liban) afin de sauver la famille royale mais aucun ordre d’intervention n’avait été validé.
Autres victimes du coup d’état, le Vice Premier-ministre Ibrahim Fashim, le Ministre de la Défense de la Fédération, Souleiman Tukan et la Princesse Khadija (née en 1907, sœur du Régent). La quasi totalité de la famille royale sera massacrée dans ce coup d’état. Seul le Prince Ali (1918-1998) et son fils Sharif Ali Ben Al- Hussein échapperont à ce massacre.
Mohammed Fadhel al-Jamali (1903-1997), ancien Premier ministre de 1953 à 1954 fut arrêté aux premières lueurs du coup d’état et fut condamné à mort par un tribunal militaire. Sa peine sera commuée en 10 ans de prison avant d’être libéré en 1961 grâce à des pressions internationales.