Charles Maurras

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Maurras en 1888
Maurras en 1908

Charles Maurras (1868-1952), théoricien nationaliste et monarchiste.

Biographie

Charles Maurras est né à Martigues et a fait ses études secondaires à Aix-en-Provence dans un établissement religieux. Après son bac, il montera à Paris pour se lancer dans la carrière des lettres (journalisme et littérature) mais restera fortement attaché à sa terre natale, attachement qui se traduisit par son engagement au Félibrige (mouvement de renaissance provençale fondé par Frédéric Mistral) et par ses campagnes en faveur de la décentralisation (L'Idée de décentralisation, 1898).

Ses études classiques, son amour d'Homère et son voyage en Grèce de 1896 (il rend compte des premiers jeux olympiques de l'ère moderne pour la Gazette de France) ont nourri en lui un autre engagement : la défense du classicisme et de la civilisation gréco-latine qu'il oppose au germanisme et au romantisme (notamment dans Anthinea, 1901, et Romantisme et Révolution, 1922).

La foi monarchique, troisième et suprême engagement de l'écrivain, ne procéda chez lui ni d'une tradition familiale, ni d'une déduction théologique (il était agnostique) mais de la recherche raisonnée d'un régime mixte, assurant à la fois le peuple de ses libertés et le souverain de son autorité (la monarchie s'oppose à la tyrannie comme à l'anarchie). Ses maîtres furent des positivistes comme Auguste Comte, Ernest Renan et Hippolyte Taine plus encore que des contre-révolutionnaires comme Joseh de Maistre et Louis de Bonald.

L'urgence pour Maurras est de restaurer, dans une France éprouvée par la défaite de 1870, un ordre que le parlementarisme anarchique de la IIIème république compromet et qu'une dictature césarienne rendrait étouffant et trop rigide. Son Enquête sur la monarchie, qui paraît en 1900, va remettre la solution royale et la tradition légitimiste, qui était devenue une nostalgie inopérante, au cœur des débats politiques. L'Action française sera l'instrument de cette reconquête du terrain intellectuel par le royalisme : mouvement politique, journal quotidien (que Maurras dirige avec Léon Daudet et Jacques Bainville), nébuleuse de revues et de cercles autour desquels graviteront les plus grands noms de l'intelligence française (Barrès, Gide, Proust, Bernanos, Montherlant, Malraux, Brasillach, Dumézil, etc). Pragmatique, Maurras adopte la stratégie du "compromis nationaliste", consistant à cesser toute forme d'action politique lors de la guerre de 1914-18, et à soutenir l'armée de la République contre l'attaque allemande.

Après la défaite de 1940, il salue l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain, mais, contrairement à ce qui a pu être prétendu, il ne soutient pas la politique de collaboration: alors que l'AF, qui s'en prenait violemment à Pierre Laval, est interdite en Zone Occupée (puis soumise à la censure après l'invasion de la Zone Libre, en novembre 1942), l'arrivée des Allemands dans sa Provence natale fut le "cauchemar de [s]on existence". A la "libération", il est incarcéré avec Maurice Pujo puis condamné à perpétuité pour "intelligence avec l'ennemi". Comme le démontre l'historien Robert Aron dans son Histoire de l'épuration (tome 2, Fayard, 1969), l'accusation s'est fondée sur quelques articles publiés par Maurras pendant la guerre, dont les extraits furent tronqués, et les dates faussées. Il eut ce mot célèbre à l'issue de ce procès politique: "c'est la revanche de Dreyfus !"

Mais ce serait réduire gravement la portée de l'œuvre de Maurras que de la limiter à son aspect politique : il fut aussi un grand poète (La Musique intérieure, 1925), un critique littéraire de grande classe (Les Amants de Venise, 1902) et un philosophe profond (L'Avenir de l'Intelligence, 1905).

Quand Maurras meurt, en 1952, son œuvre compte des centaines de livres et brochures, des milliers d'articles et continue d'influencer de nombreux intellectuels français et étrangers.

Doctrine

Maurras au travail dans son bureau à l'Action française

Selon le contemporain Centre Royaliste d'Action française, on peut en donner la "synthèse doctrinale" suivante qui n'"a pas l'ambition de présenter ici une synthèse exhaustive de la pensée de Maurras mais d'en montrer simplement les principaux axes et les articulations essentielles."

"Pays réel / pays légal"

Pour Maurras, le régime républicain, ses administrations hyper-centralisées, ses partis politiques et ses soutiens idéologiques, forment un "masque grotesque", tyrannique et inefficace, le "pays légal", qui est artificiellement superposé au "pays réel", le pays qui "travaille et qui vit", que l'on appellerait aujourd'hui la société civile. A l'opposé de cette démocratie jacobine, Maurras propose une large décentralisation et une autogestion des problèmes locaux, non par une classe politicienne départementale ou régionale mais, directement, par les acteurs sociaux. La monarchie, au sommet de l'Etat, servirait de fédérateur au-dessus de cette diversité, d'où sa célèbre formule : "l'autorité en haut, les libertés en bas".

"L'empirisme organisateur"

Maurras considère la Politique comme une science, une "physique sociale", à la manière de son maître Auguste Comte, et refuse de lui appliquer le seul critère de l'opinion. L'étude de l'Histoire doit nous permettre de dégager quel régime est souhaitable pour un pays comme la France. La monarchie, véritable matrice de la Nation, institution stable pendant près de mille ans, adaptée au tempérament français par le frein qu'elle met aux ambitions et aux rivalités des chefs de parti, apparaît alors comme bien supérieure aux différentes républiques, régimes instables oscillant sans cesse entre anarchie parlementaire et appel à des autorités charismatiques de type providentiel (Napoléon, Pétain, De Gaulle)... De "Démos à César" !

"Le nationalisme intégral"

Maurras constate la force du sentiment patriotique en France. Dans sa forme la plus réfléchie, il nomme ce patriotisme nationalisme. Mais le nationalisme, s'il ne comprend pas que le régime républicain est incapable d'assurer le bien commun de la patrie de façon complète et durable, se condamne à rester incomplet (bonapartisme, boulangisme, pétainisme, gaullisme). Le royalisme s'appelle lui-même le "nationalisme intégral" car il propose une révision profonde de nos institutions pour que ce que veulent préserver les nationalistes ne soit pas constamment remis en question. L’expression "nationalisme intégral" ne désigne donc pas dans l’esprit de Maurras un nationalisme exacerbé ou agressif (nationalitarisme) mais un nationalisme abouti.

Le vieux "Maître"...

Bibliographie

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Liens externes