Carlisme
L’Espagne a connu une histoire monarchique assez tourmentée depuis le debut du XIXème siècle. En 1808, le roi Charles IV abdique en faveur de son fils, Ferdinand VII, puis sous la pression de la France remet sa couronne à Napoléon Ier qui l’offre à son frère Joseph. Une terrible guerre de cinq années entre Français et Espagnols s’ensuit et aboutit finalement à la restauration de Ferdinand VII.
La naissance de la revendication carliste
A sa mort en 1833, au mépris de la loi semi-salique promulguée en 1713, la couronne est donnée à sa fille Isabelle âgée de trois ans. Charles, frère puîné de Ferdinand VII, refuse de se voir ainsi dépossédé et appelle ses partisans (les carlistes) aux armes déclenchant une guerre civile qui durera jusqu’en 1839. Au delà de la simple querelle dynastique, ce conflit est une véritable lutte politique : les carlistes sont traditionalistes, ruraux, populaires et attachés aux libertés locales (les fueros) tandis que leurs adversaires (les « isabelitos ») sont libéraux, urbains et centralisateurs.
La Seconde Guerre carliste
Son fils, prénommé lui aussi Charles, et proclamé roi par les carlistes sous le nom de Charles VI, déclenche une nouvelle guerre dynastique de 1845 à 1849.
Carlos VII (Charles XI) et la Troisième Guerre carliste
En 1869, un soulèvement militaire contraint Isabelle à abdiquer et à se réfugier en France. Les militaires offrent alors en 1870 la couronne à Amédée Ier de Savoie, second fils du roi d’Italie Victor-Emmanuel II, tandis que les carlistes, sous la conduite de leur nouveau prétendant Charles VII se soulèvent à nouveau (1872- 1876).
Amédée abdique en 1873, découragé par la tournure des événements et le parlement espagnol proclame la république. Écrasé par les carlistes en 1874, les républicains restaurent le fils d’Isabelle, Alphonse XII qui finit par rétablir la paix civile.
Les carlistes durant la Guerre civile 1936-1939
En 1931, son fils Alphonse XIII abdique après la victoire remportée par les partis républicains aux élections municipales, et une seconde république est proclamée. La courte victoire du Front Populaire en 1936 et les excès de certains extrémistes de gauche provoquent une coalition des droites et une nouvelle guerre civile qui se termine en 1939 par la victoire du général Francisco Franco. Dès le début de la guerre, les redoutables miliciens carlistes, les Requetès, s’emparent de la Navarre et assure la victoire nationaliste dans le nord de l’Espagne. Présents sur tous les autres fronts, leur courage et leur vaillance sont salués par tous…
Une succession difficile
Tout au début du conflit, les carlistes ont perdu leur dernier prétendant, Alphonse-Charles, mort sans postérité, mais qui désigne son neveu, Xavier de Bourbon-Parme comme régent. Très anti-franquiste, Xavier est expulsé d’Espagne par Franco qui appuie les prétentions à la succession carliste de l’archiduc Carlos VIII de Habsbourg, petit-fils par sa mère du prétendant carliste Charles VII ou Charles XI de France.
En 1947, Franco restaure la monarchie mais sans y désigner le futur monarque. Il faudra attendre 1969 pour que Juan Carlos, petit fils d’Alphonse XIII ou Alphonse Ier soit désigné comme héritier. Du côté carliste, Xavier, de régent, devient prétendant carliste sous le nom de Xavier Ier en 1952, suivi de près par Carlos VIII de Habsburg, qui prend le titre de Charles VIII en 1953 et décède la même année.
Le carlisme est plus qu’une simple querelle dynastique, c’est un principe, une vision de la société
Rappelons que Juan Carlos n’étant pas l’aîné des Bourbons, son oncle Jaime (Henri VI-Jacques), qui avait renoncé à ses droits en 1933, les réclame pour son fils Alphonso, duc de Cadix et son petit fils Luis… sans grand succès…
En 1975, Franco meurt et Juan Carlos Ier lui succède.
En 1977, Xavier Ier meurt à son tour.
Carlisme de gauche contre carlisme de droite
L’héritage carliste doit donc être normalement recueilli par son fils aîné Charles Hugues de Bourbon-Parme. Mais ce dernier avec son Partido Carlista (Parti Carliste) prône une monarchie socialiste, fédéraliste et autogestionnaire ce qui n’est pas du goût des militants traditionnels du carlisme qui lui préfèrent son frère Sixte-Henri de Bourbon-Parme, beaucoup plus à droite. Dès l’année précédente, en 1976, carlistes de gauche et carlistes de droite s’étaient affrontés à l’arme à feu lors du rassemblement carliste de Montejurra en Navarre, faisant deux morts et plusieurs blessés. Depuis, les uns et les autres se sont calmés et tentent régulièrement leur chance à l’occasion des élections. Mais avec de faibles résultats, même si ces deux carlismes représentent toujours une véritable force militante (12.000 voix à Madrid pour le Parti Carliste et 25.000 voix à Barcelone pour la Communauté Traditionaliste Carliste par exemple lors des dernières élections de mars 2008). Formellement, la CTC n’est pas en faveur de Sixte et ne se prononce officiellement pour aucun prétendant. Officieusement, elle épouse les mêmes thèses et ses liens avec le mouvement de Sixte, la Communauté Traditionaliste (CT) sont réels.
Le carloctavisme
Enfin, les partisans de la lignée issue de Charles de Habsbourg et qui soutiennent son successeur, Domingo de Habsburgo-Toscana y Hohenzollern, sont eux aussi organisés, mais de façon bien plus embryonnaire, au sein d’une Comunión Carloctavista (Communauté « Carlo-huitième ») et d’un Circulo Carlos VIII (Cercle Charles VIII), ces deux groupes ayant fusionné en 2011 pour donner naissance à la Comuniòn Catòlico-Monàrquica (Communauté Catholique Monarchiste).
Le carlisme politique
Le carlisme est plus qu’une simple querelle dynastique, c’est un principe, une vision de la société. En 1936, à la mort d’Alfonso-Carlos, le carlisme a derrière lui des années de luttes, trois guerres civiles et il est engagé dans celle qui vient d’éclater (ses propres milices, les « Requetès », comptent de 30 à 35.000 combattants). En toute logique, les carlistes auraient du se rallier à la branche cadette incarnée à l’époque par l’ex-roi Alphonse XIII… acte impossible au regard des principes du carlisme. Se rallier eut été trahir les ancêtres, renier les décennies de luttes, les morts et les martyrs de la Santa Causa (la Sainte Cause, c’est ainsi que les carlistes nomme leur engagement et leur combat). C’est dans ces circonstances que Alfonso-Carlos avait fait de Xavier de Bourbon-Parme, en accord avec la quasi totalité des chefs politiques et militaires du carlisme, son « Régent » (Xavier de Bourbon-Parme n’avait aucun droit au trône d’Espagne). Régent reconnu par ses partisans comme roi au début des années 50. Cela explique en partie pourquoi, chez les carlistes, désormais le politique a pris le pas sur le dynastique.