Le royalisme en Algérie française
Le royalisme en Algérie française
La conquête de l’Algérie servira les intérêts de la monarchie des Bourbons en s’inscrivant dans la lignée de Saint Louis et celle de Louis XIV. Entreprise qui draina hors du royaume de France, la fleur de la noblesse légitimiste française et dont l’Action française reprit le flambeau mêlant son histoire à celle de l’Algérie française en représentant pleinement la puissance royaliste outre mer et en Afrique du Nord.
Les origines de la conquête de l’Algérie
Le 8 mai 1798, le régime français du Directoire, par l’entremise de deux négociants juifs, commande du blé à la Régence d’Alger. Il s’agit de pouvoir assurer les vivres à l’Expédition d’Egypte du Général Bonaparte. La Sublime Porte goûta peu cette aide accordée par le dey Hassan et confirmé après la mort de celui-ci par son successeur, le dey Mustapha Ben Brahim (1798-1805). D’ailleurs en représailles, la Turquie déclarera la guerre à la France le 9 septembre suivant. La commande ne sera pas payée ou peu sur la somme empruntée à la Régence d’Alger en 1796 pour l’achat de ce blé. Et le Sultan Sélim III de faire embastiller pour un mois, les français présents à Constantinople.
La France du Consulat tentera à deux reprises de signer un traité avec la Turquie, en dépit des actions et objections des anglais, avant finalement de trouver un accord le 28 décembre 1801 (7 nivôse An X/ 22 Chäban 1216 de l’Hégire) avec la Régence. L’article XIII précisera entre autres : « Le Dey s’engage à faire rembourser toute les sommes qui pourraient être dues à des français par ses sujets comme le Citoyen Dubois-Thainville (Commissaire Général de la République, Consul de France à Alger sous l’Empire puis la Restauration) prend l’engagement au nom de son gouvernement de faire acquitter toutes celles qui seraient légitimement réclamées par des sujets du Dey » Les rapports entre la Régence et le Consulat vont pourtant se détériorer rapidement après que le dey d’Alger eut réclamé la propriété et la gestion des établissements commerciaux français, notamment celui de La Calle, fondé au XVIème siècle par des négociants corses.
Bonaparte menacera de détruire Alger à diverses reprises. Ainsi adressera-t-il une lettre de menace au Dey d'Alger le 27 juillet 1802 en ces termes : "Si vous ne réprimez pas la licence de vos ministres qui osent insulter mes agents et de vos bâtiments qui osent insulter nos pavillons, je débarquerai 80000 hommes sur vos côtes et je détruirai votre régence". Devant la menace du Premier consul et sa notoriété lors de la campagne d’Egypte, Le dey Mustapha obtempérera rapidement le 31 août suivant.
Jusqu’en 1805 où les Français sont défaits dans la bataille navale d’Aboukir, la Régence ne bougera pas craignant une intervention maritime de Bonaparte. Mais avec la victoire britannique, la Régence s’empare des deux principaux comptoirs français de « La Calle » et « Bastion de France ». Il faudra attendre le 18 mars 1817 pour que la France récupère ses possessions non sans que la Régence ait réclamé une nouvelle fois en 1811, les 8 à 9 millions de francs de ce qu’elle estimait dus par la France.
Lors de première Restauration, Louis XVIII confirmera par un courrier du 28 mai 1814, la dette de la France à l’égard de la Régence d’Alger. Le « vol de l’Aigle » en 1815 et les troubles politiques qui se succèdent avec la milice d’Alger qui se veut faiseuse de deys à tout va, retarderont le paiement de la dette. En février 1818, le dey Hussein est désigné à Alger. La même année, le brick français « Le Fortuné » est pillé par les habitants de Bône. En vain, la France réclame à son tour le remboursement de ce pillage. Le 10 novembre 1819, la monarchie française reconnait alors une dette de 7 millions à la Régence d’Alger via un traité entre les deux gouvernements. Traité ratifié par la Régence un mois plus tard que la France acceptera d’honorer mensuellement.
Les relations diplomatiques entre la Régence d’Alger et la monarchie française vont à nouveau se détériorer avec l’avènement de Charles X en 1825. Le dey taxe de 10% les marchandises françaises et réclame le paiement immédiat des 7 millions dus restants. La reconstruction de « La Calle » avait fortement irrité le dey qui n’avait pas hésité à forcer la porte du Vice Consul de France à Bône pour obtenir satisfaction à ses exigences.
Lors de la prise et la revente des navires du Vatican par la Régence en 1826, les Ultra-royalistes français se déchaînèrent au Parlement. Non content de supporter la mauvaise foi du Dey, ceux-ci virent dans ces captures, le drapeau du Christ bafoué. Il n’en fallu pas moins pour que certains exigent une nouvelle croisade.
Le 30 avril 1827, c’est un dey Hussein irrité qui reçoit le Consul de France. Il déclare à Pierre Deval (1758- 1829) « qu’il ne voulait plus permettre, qu’il y’eût un seul canon français sur le territoire d’Alger et qu’il ne nous y reconnaissait plus que les droits généraux dont jouissaient les autres négociants européens ». L’entretien se fait exclusivement en turque, sans interprêtes. Exigeant le paiement de la dette de la France t tutoyant le dey d’Alger , Pierre Deval lui oppose une fin de non de recevoir. Furieux, le dey Hussein, qui s’est déjà plaint au roi de France des nombreuses intrigues de son représentant, soufflette 4 fois le Consul de France qui quitte le palais d’Alger puis le territoire nord-africain.
Par ce geste, le dey venait de lancer involontairement la France à la conquête des côtes barbaresques d’Alger, composée par une mosaïque de tribus uniquement unie par la même religion.
Les journaux français vont se faire l’écho de cet incident. Le Prince Jules de Polignac (1780-1847) est un ardent défenseur de la cause catholique. Il a même été fait Prince romain en 1820. C’est un ultra-royaliste qui porte haut l’étendard du Christ dans sa maison. Ce Pair de France est hostile à la Charte Constitutionnelle et ne cache pas sa volonté de voir l’Ancien régime revenir en France. Lorsque est désigné en août 1829 Président du Conseil, la monarchie de Charles X est critiquée. L’affaire algérienne est encore sur toutes les lèvres.
Suite à l’affaire du chasse-mouche, la France des Bourbons a décidé de mettre un place un blocus devant Alger dès juin 1827, exigeant du dey qu’il fasse flotter le drapeau des Lys d’or sur la casbah et ses principaux forts. Un succès en demi- teinte avec en conclusion le massacre du navire « la Duchesse de Berry » et une délégation de parlementaires bombardée par la Régence. Jules de Polignac voit dans ce casus belli un moyen de redorer le blason terni des Bourbons et de faire de la conquête de l’Algérie une œuvre civilisatrice et catholique dans la lignée des croisades de Saint Louis et des conquêtes d’expansion de Louis XIV. D’autant qu’il est pris en tenaille avec une opposition virulente. Jules de Polignac a été obligé de dissoudre la Chambre le 16 mai 1830 mais craint de perdre les élections du 4 juillet suivant.
D’ailleurs Charles X n’est pas opposé à cette conquête qui redorerait son image et lors du discours du trône en mars 1830 déclarer : «Au milieu des graves événements dont l’Europe était occupée, j’ai dû suspendre l’effet de mon juste ressentiment contre une puissance barbaresque ; mais je ne puis laisser plus longtemps impunie l’insulte faite à mon pavillon ; la réparation éclatante que je veux obtenir, en satisfaisant à l’honneur de la France, tournera, avec l’aide du Tout-Puissant, au profit de la chrétienté.»
Tentative d’alliance avec l’Egypte
Jules de Polignac décide de mandater une expédition punitive contre le dey d’Alger sans savoir véritablement de ce qu’il fera de cette conquête en cas de succès. Le but avoué étant de détourner l’attention des français et de s’assurer d’une victoire aux élections parlementaires. Enfin, Jules de Polignac ne cachait pas sa déception de la signature du traité d’Andrinople entre la Russie et la Turquie en 1829 qui avait mis fin à ses rêves de voir les Russes à Constantinople et restaurer l’{{Empire latin de Constantinople]] (1204-1261). L’Europe est alors préoccupée par la question grecque et la France très impliquée dans la guerre des influences qu’elle se livre avec les anglais et russes dans ce conflit pour l’indépendance des grecs. De Polignac envoie toute fois le duc Casimir de Rochechouart de Mortemart (1787-1875) en délégation auprès du Tsar, lui expliquer « la nécessité de purger la Méditerranée des barbaresques ». Et {{Nicolas Ier]] Romanov d’approuver ce projet …verbalement tout en fournissant les informations, recueillis par ses officiers, sur les forces en présence dans la Régence d’Alger.
Le Président de la Chambre négoce également en secret avec le Pacha d’Egypte Méhémet-Ali. Il lui propose ni plus ni moins que d’être nommé « Lieutenant du Roi » et d’être placé à la tête d’une expédition franco-égyptienne. En échangé, le Royaume de France se serait contenté de quelques forts le long des côtes nord-africaines.
Mais le plan de Jules de Polignac va se heurter à deux oppositions. La première, extérieure, vient du Royaume-Uni qui n’apprécie pas cette indépendance de la France et qui gêne sa domination maritime dans la Méditerranée. La deuxième, au sein de son gouvernement, avec le ministre de la défense, le comte Louis de Bourmont (1773-1846) qui craint un coût exorbitant de cette expédition.
Le Royaume –Uni va exercer des pressions sur le Pacha d’Egypte afin qu’il se rétracte et la Turquie interdit à son fonctionnaire de prêter une main forte aux français.
Jules de Polignac annonce donc aux cours européennes que c’est la France, seule, qui financera cette expédition d’autant que les nouvelles provenant de la Régence d’Alger sont favorables à une telle conquête. Le climat social s’était largement envenimé et le dey d’Alger était largement contesté quand il n’était pas boycotté par ses pairs d’Afrique du Nord. Une note est alors envoyée à toutes les cours d’Europe pour justifier cette intervention : « le but de l’entreprise est la destruction de l’esclavage, de la piraterie et des tributs sur toute la côte d’Afrique ; la sécurité de la navigation de la Méditerranée à rétablir; le besoin de rendre le rivage méridional de cette mer à la production, à la civilisation, au commerce, à la libre fréquentation de toutes les nations. Heureuse et fière d’avoir à accomplir cette noble tâche et de pouvoir contribuer ainsi au progrès de la civilisation et au bien-être de tous les peuples, la France recevra avec plaisir l’expression des sentiments que son entreprise fera éprouver aux autres nations. »
La presse française, fidèle à la monarchie, commence rapidement à émettre des articles sur le sujet afin de préparer la population du royaume de France au début d’une « belle et sainte » conquête. En fait, la vérité est tout autre. De ces chrétiens mis en esclavages dont on dénonce un nombre croissant, ils ne sont qu’une infime minorité au sein de la Régence et la piraterie quasi inexistante depuis la fin du XVIIIème siècle. L’image de la Régence est mauvaise en France. C’était oublié que cette province de l’Empire turque est agricole à 95% et un des meilleurs greniers à blé des côtes Barbaresques.
Qu’importe, le 27 mai 1830, 37 000 soldats et 457 navires appareillent de la rade de Toulon vers la Régence d’Alger. A sa tête, le comte Louis de Bourmont dont le ralliement s’est fait au prix de sa nomination à la tête de cette armée française dont le pavillon maritime blanc chargé de deux bandes horizontales coupée de rouge et de bleu agrémenté de 3 fleurs de Lys claque au vent.
Ainsi raconte-t-on l’agitation qui régnait alors sur le port de Toulon : « Les rues, les quais, les places publiques de Toulon étaient remplis de soldats, de matelots, de curieux, de marchands, de spéculateurs, et de toutes les catégories d’intrigants, d’usuriers, de fripons et de désœuvrés qui se traînent à la suite des armées, dans l’espoir d’avoir part au butin, en se mettant à la remorque de quelques fournisseurs ou de quelques sous-traitants. » ( …)
Conquête de l’Algérie française
Le 14 juin 1830, le corps expéditionnaire débarque le 14 juin 1830 à Sidi Ferouch. Ce n’est que 4 jours plus tard après quelques combats acharnés qui coûteront la vie à 3500 turcomans de la Régence et 600 français que la route d’Alger est ouverte. La capitale de la Régence capitule définitivement le 18 juillet. De Bourmont recevra son bâton de Maréchal dans la douleur. De ses quatre enfants engagés à ses côtés dans cette expédition, un de ses fils y a trouvé la mort. L’annonce de la prise d’Alger est vécue comme une exaltation par l’Archevêque de Paris, Monseigneur de Quelen qui lors du Te Deum du 11 juillet suivant prononce une vibrante homélie, où Charles X est titré de fils de Saint Louis avant d’évoquer une alliance entre le trône et l’autel indissociable de la monarchie. Même l’Evêque de Marseille évoque une reconstitution de l’Afrique chrétienne. La ville a été pillée telle que le fut Jérusalem en son temps lors de la première croisade, de Bourmont confisqua le trésor de la Régence (soit l’équivalent de nos 4 milliards d'euros actuels dont une partie finança le trésor royal) et proclame aux habitants « qu’il vient les libérer du joug turque », leur promettant « un souverain de leur choix ».
Il ne reste que peu de temps à la monarchie de Charles X, qui ne récoltera pas les fruits de cette conquête. La révolte gronde attisée par une opposition de plus en plus nombreuse alors par ordonnance, le roi avait ajourné le parlement. Une révolution éclate entre le 27 et 29 juillet 1830, mettant à bas le régime de Charles X.
Ce n’est que le 11 août que de Bourmont reçoit la nouvelle de la chute de la monarchie Le soldat et politicien est atterré. C’est un légitimiste et catholique convaincu. Il refusera de prêter serment à Louis-Philippe Ier d’Orléans et rejoindra Charles X en exil. Soldat dans l’âme, on le retrouvera encore aux côtés de la duchesse de Berry afin de ranimer l’esprit des guerres de Vendée, aux côtés des miguelistes ou encore avec le prétendant carliste. On lui devait la création des premières compagnies des Zouaves (recrutés essentiellement parmi les tribus berbères des Zouaoua).
La prise d’Alger profite aux deys de Constantine et d’Oran qui refusent le protectorat français et s’émancipent de la tutelle ottomane. La monarchie de Juillet va s’efforcer d’achever la conquête de la Régence. Car du côté des nord-africains, on a aussi proclamé le Djihad et les rebelles se sont ralliés dès 1832 à l’émir Abd El-Kader (1808- 1883). La France reconnaît l’autorité d’Abd El-Kader en 1834 comme Prince des croyants au sein d’un état autonome et accepte de l’armer afin qu’il réduise les derniers bastions des rebelles. L’émir ne tarde pas à se retourner contre ses alliés et Louis-Philippe Ier d’envoyer le Général Bugeaud (1784-1849), en juin 1836, réduire le soulèvement de son allié. Le 30 mai 1837, l’envoyé du roi signe le traité de Tafna avec l’émir qui reconnaît à la France quelques possessions côtières comme Alger, Bône ou Oran. Un succès en demi-teinte dont le Général Bugeaud critiquera le coût dispendieux au Roi des Français. A l’issue de son entrevue avec l’émir, le Général Bugeaud avait déclaré à son propos : « Cet homme de génie que l'histoire doit placer à côté de Jugurtha est pâle et ressemble assez au portrait qu'on a souvent donné de Jésus-Christ ».
En 1839, Abd El Kader tente d’annexer tout le Constantinois afin d’y établir un califat. La France réagit violemment. L’Emir considère ces représailles comme une violation du Traité de Tafna.
Cependant en mars 1840, le Général Bugeaud est nommé par le gouvernement, Gouverner-général de l’Algérie avec plus de 100 000 soldats à ses côtés. Manifestement longtemps hésitante sur la conduite à suivre, la monarchie de juillet entendait désormais achever l’œuvre du régime précédent. Bugeaud une fois à Alger annonce la couleur : « Le but n'est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inutile ; il est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, (…) de jouir de leurs champs (…) Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes (…), ou bien exterminez-les jusqu'au dernier ». Et au passage de soumettre le Maroc le 14 août 1844 qui aidait l’émir dans sa résistance à l’occupant français. Une victoire à Isly qui lui vaudra un titre de duc.
Le 19 mai 1843, c’est le Prince Henri d’Orléans et duc d’Aumale qui s’empare de la Smala d’Abd El Kader. Cette prise du campement de l’émir est un tournant dans la conquête de la Régence. Une victoire retentissante dans le royaume de France. La bataille aura coûté la vie à 300 rebelles contre seulement 9 pour les soldats français présents. En décembre 1847, acculé et abandonné, l’émir Abd El Kader doit se rendre. Il se soumet au duc d’Aumale, futur Gouverneur de l’Algérie dès le 27 septembre 1847.
Il faudra attendre néanmoins juillet 1857 pour que la dernière résistante, la maraboute et mystique Lalla Fatma N'Soumer soit vaincue afin que toute l’Algérie soit pacifiée.
Abd El Kader est transféré avec sa famille au fort Lamalgue puis au Château de Pau dont il gardera un souvenir ému (1847-1852). Devenu un francophile affirmé, il sera sous les feux de l’actualité du Second Empire lorsque Napoléon III pensera à lui pour la création de son royaume arabe ou quand il se fera le protecteur acharné des chrétiens d’Orient au Liban (il reçoit à cet effet la grand-croix de la Légion d’honneur et titulaire de l’ordre de Pie IX). Plusieurs fois aperçu au côté de Napoléon III, on le dit instigateur de sa politique arabe. L’Emir regrettera publiquement la chute du Second Empire y gagnant le surnom « d’Ami des français ».
Une œuvre légitimiste et catholique
Une fois l’émir vaincu, la France entame l’organisation de sa colonie. L’administration s’installe dans les villes et avec lui une émigration venue d’Europe. Parmi les français, du paysan aux soldats, se trouvaient des grands noms de la noblesse légitimiste (tels que les de Ligne, les de Polignac, les Broglie où même les Golitzines venus de Russie..) et les partisans du catholicisme. On était loin du temps des seigneuries franques en Afrique du Nord mais l’esprit d’évangélisation était toujours là. Preuve si il en est de cette volonté, la mosquée de Ketchaoua est transformée en église dédié à Saint Philippe.
Louis de Baudicour fonde en 1847 la Compagnie d’Afrique et d’Orient qui place involontairement la France de Louis-Philippe Ier dans les questions d’Orient notamment sur les maronites du Liban. Les légitimistes présents en Algérie et en grand nombre se soucient plus de catholiciser le pays que de soutenir le régime de Charles X. La métropole est loin et la présence du duc d’Aumale sera fort bien acceptée en échange d’une paix durable. Louis de Baudicour songe alors à faire venir les Maronites du Liban en cette nouvelle colonie d’Algérie afin de contrebalancer l’Islam et cela dans un contexte avéré de rivalité franco-britannique en Afrique du Nord.
La Sublime Porte d’Istanbul qui régit le Liban refuse tout simplement et de nouveau cette ingérence français dans ses affaires. Les supplications de Baudicour rejoint par les protestations du Pape Pie IX ne changeront rien. Opposés dans leur majorité au régime de Napoléon III ,les royalistes critiquent sa faiblesse sur les questions orientables autant que son projet de création de royaume arabe au sein de la colonie.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ces colons légitimistes s’opposent au gouvernement en place. Déjà le comte de Franclieu , délégué légitimiste des colons d’Algérie, fait preuve d’une virulente opposition à Bugeaud. Appelés « les Gants jaunes », les légitimistes partent d’un simple principe. Ils sont là pour perpétuer l’œuvre civilisatrice de Charles X et de Polignac. Ils sont rejoint par le prétendant au trône Henri V qui s‘oppose également à ce « royaume arabe ». Le comte de Chambord lui oppose « la France royale et Chrétienne » et parle de la colonisation comme « une glorieuse et sainte entreprise, politique sage et clairvoyante franchement chrétienne et vraiment française ». Il publie le 30 juin 1865 une « Lettre à l’Algérie » regrettant au passage que le rêve de l’Empereur Napoléon III ne fasse « pas de place au commerce et à l’industrialisation de la colonie ni au religieux (..) ».
Pour l’héritier de Charles X, il ne fait aucun doute que Napoléon III tente de retirer le « dernier cadeau de Charles X » à la France. Il s’empare même du sujet des chrétiens du Liban et voyagera à travers le Moyen-Orient. Il est reçu comme un souverain ce qui ne manque pas d’agacer le gouvernement impérial.
Le Légitimisme va néanmoins s’essouffler en Algérie. Il disparaîtra avec la mort du comte de Chambord Henri V de Bourbon en 1883 et le « toast » du Cardinal Lavigerie en 1890 qui prend parti d’annoncer le ralliement des catholiques à la Troisième République selon les demandes du Pape Léon XIII.
L’Action française en Algérie française
Le monarchisme en Algérie française réapparaît après la première guerre mondiale. L’Action française établit ses premiers groupes politiques réunis sous le nom d’Action algérienne en 1927. On y trouve des personnalités locales comme Paul Sicard ou l'avocat Maurice Roure, des Pieds- noirs comme des musulmans francophiles. Le 5 février 1935 et 1936, les Camelots de l’Action algérienne se distinguent même par des manifestations musclées dans la capitale, un an après les émeutes du 4 février 1934 qui ont menacé la République jusqu’aux portes de son Parlement.
La dissolution des groupes d’extrême-droite (1936) force les monarchistes à rebaptiser leur mouvement en une Union nationale et sociale d’Algérie (UNSA). François Gabet, Maire de Coléa, en devient le Président. Comme sa consœur métropolitaine fait les beaux jours de la politique française en Algérie française. Le mouvement se dote d’un journal « Le Tricolore » qui tirera entre 2500 et 3000 exemplaires.
Le journal est également une belle preuve de tolérance. On y retrouve des plumes issus de la majorité musulmane au sein de ses colonnes. On y parle fédéralisation des 3 département français autant que de corporatisme quitte à aller à l’encontre des institutions en place ou de suggérer d’accorder la pleine citoyenneté aux musulmans à condition qu’ils renoncent à leur statut personnel (ici leur religion).
Paul Benquet Crevaux préside les Camelots du Roi dont le congrès de naissance a été célébré à Philippeville. L’UNSA honore Charles Maurras de la présidence d‘honneur (il était venu deux fois en Algérie française, 1935 et 1938) et un vent d’adhésion souffle sur l’Action française désormais bien implantée en Algérie. On comptera par exemple 800 membres dans la Fédération de Constantine.
Les monarchistes d’Algérie française durant la Seconde guerre mondiale
Cependant la sphère d’influence des monarchistes ne dépassera les villes d’Oran, de Blida, de Mostaganem, Siddi Bel Abbes et Alger. Paul Sicard est le Président de la Chambre d’agriculture et exerce un poids d’importance dans la vie politique de l‘Algérie française. On retrouve des monarchistes dans tout l’appareil d’état du pays comme le Chef de cabinet du Préfet d’Alger qui va se distinguer en 1938 un essai intitule « Vocation monarchique de la France ». Les bruits de canons se font déjà entendre en Algérie française. Les monarchistes français s’inquiètent autant qu’il se réjouissent de la disparition de la Troisième République. Certains membres de l’Action française manifestent aux côtés du parti fascisant, le Parti Populaire Français de Jacques Doriot.
Quand le Maréchal Pétain est nommé à la tête du gouvernement le 16 juin 1940 après la débâcle des forces françaises devant l’invasion allemande, l’ensemble des monarchistes français présents en Algérie française se rallie au régime naissant de Vichy. D’ailleurs des officiers militaires présents à Alger ne cachent pas leurs sympathies monarchistes au cours de « popotes » comme celle devenue célèbre de l’hôtel Aletti. On retrouve d’ailleurs de nouveau les monarchistes à de hautes fonctions comme Sicard nommé membre de la Commission financière pour l’Algérie française (novembre 1941). En métropole, les royalistes se divisent. Certains rejoignent la Révolution nationale en devenir, d’autres entre en résistance au côté du Général Charles de Gaulle quand ce n’est pas un mélange des deux.
Le sentiment monarchiste présent en Algérie française n’a pas échappé au prétendant au trône, Henri VI d’Orléans, comte de Paris. Il y entrevoit une possibilité de jouer enfin le rôle qu’il attend. Un de ses fidèles, Alfred Pose a été récemment Secrétaire aux Finances du Haut- Commissariat de l’Amiral Darlan. Un Haut- Commissaire de Vichy dont les idées de Vichy ne sont pas insensibles non plus à Henri d’Orléans.
Tout semble prêt pour que les « ficelles » d’un complot monarchiste à Alger s’organise quelque soit le soutien. Vichy ou De Gaulle et les Alliés.
Le complot monarchiste d’Alger
Henri d’Orléans prend contact avec le Consul américain d’Alger et multiplie les rencontres. Le Foreign office (Ministère des Affaires étrangères du Royaume Uni) commence à prendre aux sérieux l’hypothèse d’une restauration de la monarchie en France. Les rumeurs les plus folles paraissent dans la presse y compris un possible ralliement de Charles de Gaulle au comte de Paris. Henri d’Orléans apparaît alors comme une possible troisième voie entre le vieux Maréchal et l’ambitieux Général de Gaulle. Les monarchistes en Algérie vont alors s’activer et on se plait à rêver de restaurer la monarchie française depuis le berceau algérien.
Mais le comte de Paris va surprendre ses partisans. Il décide de se passer autant de De Gaulle (qui a du démentir l’information qu’il allait le couronner dans une colonie au cours du printemps 1941) que du concours des anglais pour tenter de se faire adouber par les représentants de Vichy en Afrique du Nord. En juillet 1941, il écrit un « message aux monarchistes français » leur demandant de soutenir le Maréchal Pétain et dont certains passages concernant les « chantiers de la jeunesse » semblent être un appel à reconnaître les bienfaits de la révolution nationale. Raphaël Alibert, ministre (d'obédience monarchiste) de la justice à Vichy mène campagne pour le prétendant auprès du Maréchal Pétain.
En septembre 1941, il écrit à Philippe Pétain pour lui renouveler son adhésion à sa politique et de lui confirmer ses espérances politiques sont compatibles avec les siennes. Refus poli de la part du Dauphin du Maréchal Pétain, l’Amiral Darlan.
Représentant de Vichy en Afrique du Nord, le Général Weygand est rappelé en France en le 18 novembre 1941 après la suppression de la délégation générale. Le Général Juin lui succède. Le comte de Paris n’est pas gêné par ce transfert de pouvoirs mais commence à s’agacer des refus incessants et répétés du maréchal Pétain à lui remettre le pouvoir. Ses conseillers prennent contact avec des diplomates allemands présents à Rabat et c’est le Consul allemand de Casablanca qui rencontre le Comte de Paris le 18 février 1942. Henri d’Orléans, prie le Consul de remettre au ministère des affaires étrangères, « sa volonté de collaboration en vue de mettre fin à la guerre et de procéder à la reconstruction de l’Europe ». Il n’hésite pas à parler de restauration de la monarchie, critique ouvertement les réformes sociales de Vichy et affirme son dégoût des anglais. C’est un consul conquis qui quitte Larache dans la soirée. Ce n’est pas la première fois qu’il rencontre des dignitaires du Reich. ("en 1982, le comte de paris condamnera ces faits après la parution de la reproduction d’un courrier adressé au Ministère des Affaires étrangères du Reich dans le journal, Le Figaro") .
A force de courriers répétés, le comte de Paris obtient un rendez- vous avec le Maréchal le 6 août 1942 et débarque en France. L’entretien dure deux jours, le Maréchal vieillissant n’est pas dupe des intentions du comte de Paris. Il ne se démettra pas en sa faveur. Tout au plus, on lui propose le ministère du Ravitaillement. Le Comte de paris repart de France, furieux et comprend qu’il n’attendra rien ni de Berlin (qui avait tenté de convaincre le Prince Louis Napoléon d’accepter également une couronne, agaçant fortement le prétendant) ni de Vichy.
En novembre 1942, les Alliés débarquent en Afrique du Nord et reconnaissent l’Amiral Darlan, (dauphin du Maréchal et présent alors à Alger au chevet de son fils) comme leur Haut-Commissaire dans la région. Darlan a devancé autant les émissaires de De Gaulle (comme le Général Giraud) que le Comte de Paris qui entendait profiter de cette occasion pour assurer le rôle lui-même.
Henri d’Astier de la Vigerie déteste Darlan et le fait savoir. Il entraîne et abrite en secret dans un domaine agricole situé au Cap Matifou 200 Corps Francs d’Afrique. Il contacte Alfred Pose qui partage ses convictions royalistes. Le petit groupe de comploteur convainc les Présidents des Conseils généraux des 3 départements de réclamer la démission de l’Amiral Darlan. Et de s’appuyer sur une loi de 1875 qui stipule qu’en cas d’occupation du territoire national, les Conseils généraux des départements restés libres peuvent former un nouveau gouvernement. Et de citer le nom du comte de Paris pour présider ce nouveau gouvernement et il importe peu que le prétendant au trône vienne récemment de flirter avec Vichy.
Henri VI d’Orléans débarque à Alger le 10 décembre 1942, reçu par Henri d’Astier de la Vigerie et son représentant sur place, l’Abbé Pierre-Marie Cordier. Il avait hésité, envoyé un de ses conseillers qui lu avait fait un rapport enthousiaste. Henri d’Astier de la Vigerie lui annonce que l’Amiral Darlan a cristallisé les haines autour de lui dans la capitale de l’Afrique du Nord. Le nom du Comte de Paris serait sur toutes les lèvres pour lui succéder. Henri d’Orléans est enthousiaste et se met à recevoir diplomates et officiers militaires présents à Alger, devenue capitale de tous les complots. On décide qu’Henri d’Orléans sera le chef de gouvernement et De Gaulle son Premier ministre de cette France libre en Algérie française.
Les américains persistent pourtant à soutenir Darlan (surnommé « l’expédiant provisoire » ou par son nom de code "Popeye") contre De Gaulle. L’Amiral Darlan s’inquiète de cette recrudescence des activités monarchistes à Alger.
L’arrivée du représentant de Charles De Gaulle à Alger le 17 décembre est de bon augure pour le comte de Paris puisqu’il s’agit de François d’Astier de la Vigerie, le frère d’Henri, connu également pour ses positions monarchistes. Henri d'Astier de la Vigerie, en vint à dire qu'un seul personnage (par essence au-dessus des partis ) pourrait réconcilier les deux factions en présence et unir ainsi les fidèles de De Gaulle et ceux de Giraud. Pour lui, cet homme-là existait: c'était le comte de Paris.
Les deux hommes se rencontrent rapidement, le comte de Paris parle de réconciliation nationale, ils tombent d’accord sur le projet de se débarrasser de Darlan au plus vite. La date fixée sera le 24 décembre. L’éventuelle prise du pouvoir par les monarchistes rallient de nombreuses personnalités diverses comme Jacques Tarbé de Saint Hardouin, Ministre des Affaires Etrangères, Pierre Alexandre le représentant de la communauté juive d’Algérie, Louis Joxe qui anime le groupe gaulliste à Alger et même le Général Juin semble approuver ce futur putsch.
3 jours auparavant la date de la mort de l’Amiral Darlan, malade (?) Henri d’Orléans s’était retiré dans la banlieue d’Alger chez Henri d’Astier de la Vigerie. Le 21 décembre, il donne l’ordre suivant : « L’Amiral Darlan doit être éliminé, il faut le faire disparaître par tous les moyens ».
Darlan va bientôt tomber sous les coups du jeune Fernand Bonnier de la Chapelle, fils d’un journaliste d’Alger qui virevolte dans tous les milieux de la résistance. C’est après une rencontre avec l’Abbé Cordier que ce jeune homme de 18 ans est devenu monarchiste convaincu que le comte de Paris est l’alternative. Fernand Bonnier de la Chapelle a été tiré au sort sur un groupe de 5 et avec l’assurance qu’il pouvait agir en toute impunité. C’est encore l’Abbé Pierre-Marie Cordier qui va lui expliquer comment perpétrer l’attentat contre Darlan. La date du 24 décembre a été retenue. Bonnier de la Chapelle se fait absoudre de son futur pêché. A 15h35, au Palais d’Eté, une balle d’un vieux pistolet "ruby" 7,65 suffira à mettre fin à la vie du dauphin de Pétain. Maîtrisé et arrêté, il fut rapidement jeté en cellule.
Le 25 décembre, alors qu’Alger est en émoi suite à cet assassinat, il faut trouver rapidement un successeur à l’Amiral. Le comte de Paris fait immédiatement acte de candidature (et devient involontairement suspect dans cet assassinat ). Le Général Giraud, qui a les faveurs de De Gaulle, est encore en Tunisie. Le prétendant doit faire vite. Les américains refusent encore tout soutien au Comte de Paris (qui a annoncé aux autorités françaises en place qu’il « venait se mettre au service de son pays, non comme prétendant mais comme arbitre »). Au contraire, ils favorisent l’arrivée de Giraud à Alger le soir même et sitôt débarqué, il est nommé Haut- Commissaire.
Henri d’Orléans tente de sauver le jeune Bonnier de la Chapelle qui encore 24 heures auparavant affirmait à son père que les frères d’Astier de la Vigerie et le prétendant au trône allaient le faire libérer.. Mais un rapide procès condamne le jeune royaliste à la mort et la sentence exécutée dans la foulée le 25 décembre. Les Américains avaient ordonné une enquête rapide et exigeaient de savoir si les Alliés avaient été mis au courant de l’attentat. Des dollars américains retrouvés dans les poches de Bonnier de la Chapelle avait orienté l’enquête vers D’Astier de la Vigerie. Pour le capitaine Gaulard, chargé de consigner les aveux de Bonnier de la Chapelle, il ne fait aucun doute qu’il y’a eu un complot monarchiste en Algérie.
Le lendemain, le comte de Paris est reçu par Giraud. Le Haut- Commissaire est glacial et bien qu’il avoue ses penchants monarchistes au prétendant, il n’en reste pas moins condescendant avec l’héritier des Rois de France. Il déclare à Henri d’Orléans qui tente de le convaincre : « Un rassembleur qui s’appelle Henri de France ne camoufle pas aisément la personnalité du prétendant. Sa désignation passerait pour un essai de restauration (..) » et lui rappelle que la Loi d’exil est encore en vigueur. Le Comte de Paris sortira du Palais en colère.
Une enquête sur l’assassinat de Darlan est lancée sans que l’on trouve des preuves contre le Comte de Paris. Ce dernier est finalement expulsé d’Alger le 16 janvier 1943 (Astier de la Vigerie fut brièvement arrêté).
Il est toujours difficile de dire aujourd’hui si le comte de Paris fut le commanditaire de l’assassinat de l’Amiral Darlan. Un arrêt de la chambre des révisions de la cour d’appel d’Alger, du 21 décembre 1945, réhabilita le jeune monarchiste qui jugea que l’acte perpétré avait été commis « dans l’intérêt de la libération de la France ».
l’Union royaliste d’Algérie de 1945 à 1962
Le Conseil Impérial de la République a expulsé le prétendant de l’Algérie française. L’Action française en Algérie est décapitée à la Libération. On lui reproche autant ici qu’en métropole sa trop proche proximité avec l’occupant allemand. Ainsi Maurice Roure qui animait la légion des Combattants à Blida est arrêté avant d’être finalement acquitté par un tribunal.
L’Action française revient en force avec les élections de l’Assemblée algérienne de mars –avril 1948. La liste qui se présente est provocante. Les Indépendants d’action algérienne pour la réhabilitation du Maréchal Pétain obtient deux élus en Oranie (Paul Benquet Crevaux) et à Philippeville . Parmi les nouveaux membres de l’Assemblée, un certain Ferhat Abbas, indépendantiste algérien qui avouait lire l’Action française. François Garbet redevient maire de Coléa et la ville de Georges- Clémenceau s’octroie un maire royaliste. L’Action française renaît de ses cendres au sein d’une nouvelle formation politique baptisée Union royaliste d’Algérie (URA) sous la présidence de Jacques Carpentier bien que son activité militante soit réduite (officialisée en 1955).
En 1951, Maître Alexis Breban , avocat à Oran se présente sous la liste des Indépendants d’action algérienne pour la réhabilitation du Maréchal Pétain avec Roger de Saivre (1908-1964) à Oran. Leurs élections confortent les monarchistes sur leur influence dans la vie politique de l’Algérie française mais la figure du nouveau député d’Oran (1951-1956) est sujette a controverse. Il était le chef de cabinet du Maréchal Pétain. En métropole, en 1955 , la Restauration nationale succède à l’Action française.
La guerre et la perte de l’ Indochine comme la montée du nationalisme algérien occupent la quasi-totalité des colonnes et conférences de l’URA. Les prises de positions de l’URA divisent tout comme le putsch du 13 mai 1958 qui mettra fin à la IVième république. Très rapidement l’URA collabore avec le Mouvement populaire du 13 mai (MP 13) fondé par le Général Chassin (1902- 1970) et Robert Martel (1921-1997) sans y adhérer complètement afin de garder sa liberté d’expression. Ce dernier d’ailleurs succédera rapidement au premier en septembre 1958. Connu pour ses convictions royalistes teintées de mysticisme (d’où son surnom de « Chouan de la Mitidja »), il déclarera : « Je me refuse désormais à cautionner ce régime des Sans-Dieu, source de la perversion qui nous désagrège, et j'ai l'honneur de vous donner ma démission du Comité de salut public du 13 mai (...) et vous adjure de croire qu'en disant Non au référendum, nous dirons Oui à la vocation de la France, Oui à son empire et Oui à sa glorieuse Armée ! ».
En métropole, la Restauration nationale appelle à « l’union totale entre l’armée française et les populations françaises d’Algérie » rejoint par Henri VI d’Orléans qui appelle également à sauver ces départements français (4 ans plus tôt une insurrection indépendantiste avait éclaté à la Toussaint) d’Afrique.
En 1959, une crise interne éclate au sein de l’URA. 3 cadres du mouvement dont le Vice-Président Charles Clerget Gurnaud démissionne et rejoignent l’Union générale des légitimistes. La crise ne dure qu’un an. Après le tragique décès du Prince François d’Orléans le 11 octobre 1960, mort au combat, en Kabylie, Charles Clerget- Gurnaud reviendra à l’URA. Ce fut d’ailleurs à l’occasion de ses funérailles du Prince que l’on vit la famille royale des Orléans pour la dernière fois en Algérie y compris le Dauphin Sous -Lieutenant en Algérie Henri d’Orléans.
Le légitimisme, trop minoritaire, ne reviendra pas en Algérie française. Le prétendant légitimiste et duc de Ségovie Henri VI- Jacques d’ailleurs ne participe pas au conflit autrement que par des manifestes prônant le maintien de l'Algérie française des 1959 et ce jusqu'en 1962 sans faillir.
Néanmoins les royalistes d’Algérie Française entre rapidement en conflit avec le prétendant Henri d’Orléans.
Partisan du maintien de l’Algérie au sein de la République française (en 1956, il écrivait : « l’Algérie (..) est la clef de voûte de l’Afrique française et la perdre, c’est tout perdre »), il soutient désormais sa sortie en accord avec le Général de Gaulle à qui il espère succéder et qui a désormais ses entrées au Palais de l’Elysée. L’URA s'est d’ailleurs désolidarisé des appels de la Restauration nationale (ex-Action française) à voter oui au référendum de 1958 qui met en place la Vème République. Mais en 1959, la Restauration nationale également s’est éloignée du Général de Gaulle et va se mettre à le critiquer avec virulence dès qu’il évoque l’idée d’un référendum sur l’autodétermination de l’Algérie française.
Lors du congrès du 21/22 novembre 1959, la Restauration nationale le place sous le signe de l’Algérie française , où l’on y décide de se battre pour sauvegarder cette partie de la France en Afrique dt dont la seule solution finale réside en la restauration d’une monarchie héréditaire. Au sein de l’URA, on reste favorable à la fédéralisation de l’Algérie française ou du moins à défaut un statut identique comparable à l’Alsace-Lorraine voir celles des colonies outre-mer du Portugal. Le retrait des officiers militaires du Comité du Salut Public confirme la méfiance des royalistes au Général de Gaulle. « La Nation française » de Pierre Boutang, scission de la Restauration française, annonce son soutien au Général de Gaulle accentuant la division chez les royalistes d’Algérie.
Certains officiers tel le Capitaine Pierre Sergent (1926-1992) sont mis en contact avec la Restauration nationale et l’URA. Désormais, il ne s’agit pas de restaurer la monarchie mais de sauver l’Algérie française. Le putsch d’Alger en avril 1961 reçoit le soutien de l’URA (Paul Sicard sera assigné à résidence pour sa participation à ce putsch). Pourtant certains officiers militaires qui lisent « La Nation française » refuseront de prêter main forte aux putschistes dont l’échec va radicaliser les partisans de l’Algérie française.
Des royalistes n'hésiteront pas à rejoindre l’Organisation de l’Armée secrète (OAS), comme le secrétaire général des étudiants d'Action française, Nicolas Kayanakis (1931- 2008, Pied –noir de Tunisie qui Commandant dans un régiment de parachutiste , exerça de 1998 à 2001 les fonctions de secrétaire général puis de vice-président de l’Action française), en dépit des condamnations du Comte de Paris ( lors des accord d’Evian, le Bulletin du prétendant affiche clairement la volte face du prétendant : « Le Général de Gaulle a raison ! » .
L’OAS ne pardonna pas ce soutien du comte de Paris au Général de Gaulle et se chargea de lui rappeler (1961). On découvrit au Cœur Volant des explosifs qui avaient fait retentir leur détonation alors que le prétendant était de sortie en ville. La Restauration nationale, si elle interdit ( du moins officiellement ) à ses membres d’adhérer à l’OAS ne sera pas moins son moteur logistique en France. Les royalistes français apparaissent comme un soutien de premier plan aux partisans de l’Algérie française forçant le Comte de Paris à ne plus autoriser des articles de leur journal, Aspect de France, dans son propre bulletin. Jacques Carpentier, qui dirige l’URA, n’est pas en reste et exfiltre des militaires vers la métropole clandestinement. Le gouvernement réagit assez vite et fait embastiller dans des camps de l’Ain et du Gard des militants royalistes.
La Restauration nationale avait appelé à voter contre les accords d’Evian. Avec la fin de la présence française en Algérie (mars 1962), ce fut aussi la fin des activités monarchistes dans ce coin de France en Afrique du Nord. Le mouvement monarchiste se lancera alors dans une campagne pour la libération de ses militants, emprisonnés pour activités séditieuses. La rupture avec le Comte de Paris avait provoqué également de nombreux départs du mouvement royaliste.
La Restauration nationale allait écrire bientôt un nouveau chapitre de son histoire sur les ruines fumantes de l’Algérie française. L’Union des royalistes d’Algérie qui s’était largement impliquée dans la défense de l’Algérie française appartenait désormais aux archives historiques de l’histoire du monarchisme français.
Bibliographie
- Alain Decaux raconte, Edition Perrin 1980.
- La Restauration nationale , un mouvement royaliste sous la Vième République , Edition Syllepse 2002
- Les royalistes en Algérie de 1830 à 1962, Edition Xenophon, 2012
Liens externes
- [1] : Relation entre la France et la Régence d’Alger
- [2]: Prise de la Smala d'Abd El kader
- [3] : Traité de Tafna
- [4] : Ombre et lumière sur l’Algérie française.
- [5] : Le rève arabe de Napoléon III
- [6] : Les monarchistes sous Vichy
- [7] : témoignage sur le complot monarchistes de 1942.
- [8] : Hommage de l’Action française à Nicolas Kayanakis