Kimpa Vita

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Kimpa Vita (Dona Béatrice)

Présentation du royaume Kongo

Drapeau du royaume Kongo

Au XVième siècle, la légende du royaume du Prêtre Jean fascinait encore les explorateurs. Des rumeurs venues de la lointaine Arménie relayées par les rues de la Sérénissime République de Venise faisaient état depuis le moyen âge d’un mystérieux royaume d’un fameux prêtre Jean dont personne ne savait au juste où le situer sur une carte. Dans les années 1480, le navigateur portugais Diogo Cão se fit le porte-parole d’un grand royaume qui contrôlait la région actuelle de l’Angola et que l’on nommait Kongo. La cour de Lisbonne s’empressa de nouer des relations avec cet empire et deux plus tard, les premiers missionnaires débarquaient dans la capitale Mbanza Kongo.

Rapidement le Roi Nzinga Nkuwu se fit baptiser sous le nom de Dom João. Refusant pour autant de stopper ses pratiques polygames , le Roi retourna finalement à sa religion d’origine. Agacés par le refus persistant du souverain Kongo, les missionnaires ourdirent un complot avec l’aide du fils aîné du Roi Dom Alfonso qui s’empara du pouvoir en 1509. Lors de la bataille qui s’ensuivit entre le père et le fils, la tradition affirme que Dom Alfonso aurait « vu dans le ciel se former une croix blanche avec à ses côtés l’apôtre saint Jacques venus de nombreux cavaliers armés et vêtus de blanc ». Probablement des chevaliers portugais venus soutenir le parti chrétien dans cette guerre civile dont le Roi Nzinga Nkuwu perdit la vie.

Le royaume fut christianisé et atteint son apogée sous le règnede Dom Alfonso.

Naissance de Kimpa Vita

Kimpa Vita

Entre 1684 et 1686, sur la côte atlantique de l’Afrique naissait Kimpa Vita baptisée sous le nom de Dona Béatrice. Les origines de sa famille sont peu connues. Baptisée, des sources affirment était la fille d’un noble de l’Empire, d’autres une modeste gardienne de mouton qui avait reçue une éducation religieuse. Elle grandit dans un Kongo divisé et qui a perdu de son indépendance. Au gré des décennies, les portugais ont réduit le Kongo à un simple état fantoche où les membres de la famille royale se disputent le trône de Kibangu. Depuis la bataille d’Ambuila en 1665 où les Portugais ont fini par faire décapiter le Roi Antonio Ier, les insignes de son pouvoir envoyés à Lisbonne, on compte pas moins de 3 prétendants au trône et autant de successeurs que leurs règnes sont souvent des plus brefs.. Tous cherchent autant qu’ils rejettent une alliance avec les portugais qui ont fait main basse sur le cuivre et l’or de l’Empire.

Révélations

C’est dans ce contexte qu’en 1703 en descendant du Mont Kibangu que le père Bernardo da Gallo rencontra une vieille femme prénommée Appollonia ou Mafuta Fumaria. Elle stoppa le prêtre et lui affirma que la Vierge marie lui était apparue, lui expliquant sa colère après la lignée royale et qu’elle avait été nommée sa messagère afin d’annoncer les châtiments à venir. Interloqué, le père Bernardo da Gallo écarta cette femme et lui conseilla de se confesser afin qu’elle oublie ces sottises. Loin d’abandonner, Mafuta Fumaria devint l’objet d’un culte, demandant à ses adeptes d’interdire la culture des fétiches.. La famille de la jeune Dona Béatrice fut si impressionnée par cette prophétesse qu’elle se rallia à sa cause et leur fille fut même initiée aux rites de ce culte que l’on qualifierait aujourd’hui de messianique. Entre 1703 et 1706, Dona Béatrice affirme avoir des révélations de Saint Antoine de Padoue (Ntoni Malawu en kikongo) qui annonce que le royaume du Kongo subira les foudres divines si la guerre de succession ne cesse pas et si l’unité ne revient pas dans la capitale, São Salvador. S’exprimant en Kikongo et en portugais, la jeune femme attire autour d’elle des foules de plus en plus nombreuses. Désignant Saint Antoine de Padoue comme un second Dieu, elle n’hésite pas à qualifier le Kongo comme la vraie terre sainte où auraient vécu les apôtres de Jésus. Elle transforme le Salvé Regina en un Salve Antoniana et affirme à ses adeptes qu’elle « meurt le vendredi pour ressusciter le dimanche après s’être entretenu avec Dieu »

La Jeanne d’Arc de l’Afrique

Surnommé le mouvement antonien ou antonianiste, elle envoie désormais des missionnaires prêcher sa parole dans tout le royaume. Curieusement, elle reconnaît l’autorité du Pape tout en prêchant que le Messie sauveur est né au Kongo et que l’église le lui a ravit. Elle ne veut plus recevoir les missionnaires portugais intrigués par la centaine de milliers de partisans qu’elle rassemble autour d'elle et enseigne que désormais Saint-Antoine a pris possession de son corps afin de reconstruire le pays .Le Comte de Soyo Pedro IV Alfonso, qui vient de s’emparer du pouvoir en 1704 entend parler de ses prophéties et délègue des membres de la noblesse auprès de Dona Béatrice. Ils reviendront conquis avec un message de sa part.

Dona Béatrice, la Jeanne d'Arc de l'Afrique

Pedro IV Alfonso écoute mais refuse de donner suite aux demandes de cette prophétesse dont il estime qu’elle menace son pouvoir. Faute de soutien, Dona Béatrice met en marche ses partisans pour conquérir la capitale et lancer de là son mouvement de réunification du Kongo. En 1705, São Salvador est prise d’assaut et la prophétesse se fait construire une nouvelle résidence au sein même de la Cathédrale en ruine. Qualifiée de Sainte, le Comte de Soyo lui intime l’ordre d’évacuer l’ancienne capitale royale. Dona Béatrice refuse et le déclare apostat et illégitime. Désormais elle reconnaîtra les prétentions du Prince João II, prétendant à la couronne royale depuis 1683 et membre d’une branche cadette de la famille royale et qui règne sur le nord du pays. Pourtant ce dernier ne donne pas plus suite aux demandes de Dona Béatrice que Pedro IV Alfonso Le Comte de Soyo envoie une armée dirigée par son beau-frère , le marquis Pedro Constantinho da Silva Kibenga afin que celui-ci reprenne pied dans l’ancienne capitale. A peine arrivé devant les murs de São Salvador, il est reçu par celle que l’histoire va bientôt appeler la « Jeanne d’Arc de l’Afrique ». Il renonce à s’emparer de la capitale et rallie la prophétesse avec son armée. Quand il apprend la défection de son chef des armées, Pedro IV Alfonso entre dans une violente colère. Pis, il découvre que son épouse Hippolita s’est secrètement convertie à l’antonianisme.

Le mouvement antonianiste grandit. Joao IV reconnaît les vertus prophétiques de Dona Béatrice , l’ancienne souveraine (1670-1700) Dona Suzana de Nóbrega de Lovota et le Prince Manuel Makasa (frère de Pedro Constantinho da Silva Kibenga) rejoignent la Sainte dans l’ancienne capitale. Les moines capucins portugais ne semblent pas prendre ombrage de cette rivale. Elle reconnaît l’autorité du pape et prétend avoir reçu une bulle papale. Lorsque certains membres de la noblesse demande à voir cette fameuse bulle, elle refuse affirmant que ses « pouvoirs divins » causeraient leur mort instantanée. Néanmoins, l’église portugaise négocie en secret , via les frères Bernardo da Gallo et Lorenzo da Lucca , avec le Comte de Soyo pour qu’il s’empare de la prophétesse. Lorsque Dona Béatrice décide de nommer Pedro Constantinho da Silva Kibenga souverain, le Comte de Soyo ne peut plus tolérer cette sécession.

Début 1706, Dona Béatrice donne naissance à un enfant. Ayant toujours prétendu qu’elle était vierge, elle fait savoir que l’enfant a été conçu par un ange de Saint Antoine. Dimanche 4 Juillet 1706, alors qu’elle revenait d’une promenade en forêt, la prophétesse est encerclée dans son église par une nouvelle armée envoyée par le Comte de Soyo et capturée.

Les flammes du bûcher

Emmenée dans la capitale du Comte de Soyo (Evolulu) elle subit un premier procès rapide par les bansiamukanu (juges Kongo) avant l’arrivée des prêtres portugais .. venus visiter justement des amis.C’est le prêtre Bernardo da Gallo qui va s’occuper de son second procès. Dona Béatrice est accusée d’hérésie et condamnée immédiatement au bûcher. Dans des hurlements de douleur, Dona Béatrice maudit son tortionnaire et celui qui avait ordonné son arrestation. Rapidement, des rumeurs annoncèrent la réincarnation de la Sainte après qu’une étoile eut été aperçue au -dessus du bûcher. Afin de s’assurer que ce qui restait de son corps ne soit récupéré et transformé en reliques, le Roi ordonna qu’il fût de nouveau mis au bûcher.

Le mouvement antonianiste

Cathédrale de Sao Salvador do Kongo

Le mouvement antonianiste ne s’éteint pas pour autant avec la mort de sa Sainte . Pedro da Silva Kibenga prit la succession de la vierge noire et réclama l’enfant au Comte de Soyo qui maintenait le bébé sous bonne garde (le jour du procès il fut baptisé sous le prénom de Jérôme). São Salvador s’enferma et Pedro IV Alfonso mit le siège devant l’ancienne capitale. Il faudra attendre le 15 Février 1709 pour que cette dernière capitule. Se précipitant au pied de son seigneur, Pedro Constantinho da Silva Kibenga implorant le pardon pour ses erreurs. Un coup de fusil mis fin aux jours de ce souverain dont le pouvoir ne dépassa pas São Salvador. On vit bientôt des femmes se revendiquant être Dona Béatrice ressuscitée ..

João II, qui n’avait pas bougé craignant qu’un déplacement ne lui fasse perdre son trône, s’inquiète, désormais du pouvoir de Pedro IV Alfonso. Les deux armées se rencontreront en 1715 et le conflit tournera à l’avantage de ce dernier. A la tête des deux tiers du Kongo, le souverain fera reconnaître son divorce avec la Reine Hippolita en 1717 mais sa vie licencieuse fit tellement scandale que l’église portugaise refusa de le couronner.

Le 21 février 1718, Pedro IV Alfonso meurt brutalement à São Salvador. La succession échue au Prince Manuel II Makasa à qui son prédécesseur avait donné la main de sa fille. Unifié le pays n’allait pas tarder à retomber dans la guerre civile en 1733 entre partisans de la famille royale des Mpanzu et celle de la lignée des Kinlaza de Nkondo

Le mouvement antonianiste survivra jusqu’au XIXième siècle avant que la colonisation portugaise n’ordonne son éradication. Il est encore à ce jour à l’origine de nombreux mouvements messianiques en Afrique. Kimpa Vita Dona Béatrice est considérée comme une sainte en Afrique et une icône féministe sur le continent africain. Elle est toujours célébrée chaque année par le mouvement monarchiste Kongo.

Bibliographie

  • Le royaume kongo et la mission catholique, 1750-1838: du déclin à l'extinction ; éditions Karthala.
  • Messianisme et modernité: Dona Béatrice Kimpa Vita et le mouvement des antoniens, L'Harmattan

Liens externes

  • [1] : Histoire du Kongo
  • [2] : Histoire de Kimpa Vita
  • [3] : Le royaume catholique oublié
  • [4] : Histoire de Kimpa Vita